Les fêtes et les chants de la révolution française

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L'ART RÉPUBLICAIN EN L'AN II. 181

nication un soir, dans le salon où il réunissait les artistes de l’Institut, et qu'après une seule lecture, au milieu des conversations, Méhul, appuyé sur le marbre de la cheminée, fixa, immédiatement sur les portées l'inspiration de premier jet qui devait contribuer le plus grandement à assurer dans l'avenir l'immortalité de son génie.

Toujours est-il qu'au milieu de messidor, le Chant du Départ était prêt à être présenté au public.

Le caractère de l’œuvre est en parfait accord avec cette histoire. Le Chant du Départ porte l'empreinte de la. création spontanée, et sa musique exprime les paroles avec une intimité, une intensité que peut seule expliquer la pénétration immédiate de l'esprit du poète par celui du musicien. On ne peut rêver une plus digne association du double élément lyrique, musique et poésie, que celle dont nous avons l'exemple dès les premières mesures. Sur les vers sonores et superbes, la voix claironne, avec un éclat triomphal :

Et du nord au midi la trompette guerrière A sonné l’heure des combats.

C’est bien là le chant énergique et fier des héros en qui la Patrie mettait tout son espoir. Puis, après cette phrase d'exposition, une nouvelle idée poétique intervient. L'accent devient menaçant : « Tremblez, ennemis de la France! » Et la mélodie, suivant fidèlement la parole, s’assombrit, module en mineur. Mais qu'un vers, un seul, ranime l’idée dominante de gloire et de fierté nationale, la mélodie, au même moment, reviendra aux tons éclatants du majeur :

Le peuple souverain s’avance !.

1. La tradition a altéré ici l'inspiration de Méhul : l’on chante toujours ce vers en mineur, comme les précédents et le sui-