Les fêtes et les chants de la révolution française

198 FÊTES ET CHANTS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

Quant à la musique, elle est d’un compositeur dont quelques aimables ariettes d’opéras-comiques sont restées classiques assez longtemps, notamment celles du Bouffe et le Tailleur : il se nommait Gaveaux. Son Réveil du Peuple ne se distingue en rien du reste de sa production : il est simplement ordinaire. Cet air à eu du succès : Devienne en a fait des « variations pour deux flûtes »: il n’est pas dit que Berlioz enfant n'y ait pas fait sa partie, puisant son répertoire à la même source où il avait trouvé, pour la jouer sous les ombrages du Saint-Eynard, la sentimentale musette de Nina.

Par exemple, ce qui n’est pas sentimental, ce sont les paroles que l’on chantait sur cet air douceñtre. Il faut, pour replacer la chanson dans son milieu, nous représenter la situation de Paris quelques mois après thermidor : les jacobins traqués, assommés dans les rues, et les muscadins, maîtres de la place, cireulant d'un air provocateur, gesticulant, sous leurs costumes étriqués et bariolés, brandissant leurs énormes bâtons (leurs pouvoirs exéculifs) d’un air cherchant à se rendre terrible, maintenant qu'ils n’ont plus peur. De fait, leur Réveil du Peuple est très loin d’être un chant de paix. Prenant à partie les hommes d'avant thermidor (combien décimés maintenant!) ils jurent de rendre « aux monstres du Ténare tous ces buveurs de sang humain. — Ah! qu'ils périsseut, ces infâmes !... » poursuivent-ils; et ils concluent :

Oui, nous jurons sur votre tombe, Par notre pays malheureux,

De ne faire qu'une hécatombe De ces cannibales affreux.

Pourquoi dit-on toujours que le Ça ira et la Garmar gnole sont des chansons sanguinaires? La voilà, la chanson sanguinaire de la Révolution : c'est le Réveil