Les fêtes et les chants de la révolution française

256 FÊTES ET CHANTS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

et tomba dans le même oubli calomnieux. Plus d’un auteur s’appliqua à favoriser l’anéantissement de ses propres ouvrages, par la crainte de laisser des preuves d’avoir participé à ces fêtes tant décriées. L'on vit par exemple, au retour des Bourbons, Martini réclamer du Conservatoire, avec une insistance un peu comique, la restitution de ses manuscrits ; et quand, peu de temps après l'avoir obtenue, il mourut, plus rien ne restait chez lui de ces productions compromettantes! Ne savonsnous pas déjà que la musique exécutée aux fêtes de la Raison disparut de même, et cela plus promptement encore? Quant au matériel considérable qui servit aux exécutions de ces dix années, parties d'orchestre et parties de chœur, s'il en est resté quelque chose à la bibliothèque du Conservatoire, ce fut, sans aucun doute, grâce au dédain dont furent l’objet les paquets dans lesquels il resta entassé, pendant très longtemps, au fond d’un corridor — et c'est miracle qu'il n'ait pas été plus complètement détruit !

À constater cette espèce de débâcle, on pourrait se croire autorisé à conclure à la faillite de l’art musical de la Révolution. De fait, la faillite fut, pendant un temps, générale, et s'étendit à tous les actes du régime. Le réveil de 1830 fut le premier signal du relèvement. La musique y participa-t-elle? Oui certes, et grandement. Berlioz qui, aux journées de juillet (nous l'avons déjà signalé) courait les rues de Paris en se mélant au peuple et lui faisant chanter la Marseillaise, a beau ètre l’homme du romantisme, le fils spirituel de Shakespeare et de Beethoven, il procède en même temps en ligne directe de la Révolution, lui, le plus digne élève et continuateur de Lesueur, auteur de cette Symphonie funèbre el triomphale faite à l'exemple, magnifiquement agrandi, des symphonies militaires de Gossec, faisant retentir.