Les hommes de la Révolution
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Marat n'était donc pas suivi. On l’écoutait volontiers. Mais il n’apportait aucune solution définitive; malgré qu'il se piquât de machiavélisme, il n'avait pas cette profondeur de vue politique ou ce sectarisme qui distinguait un Robespierre : et un Saint-Just. Pendant les premières années de la Révolution, tout en combattant avec acharnement le pouvoir royal, il ne sait pas s'élever jusqu’à l’idée de République, caressée par les Cordeliers, Camille Desmoulins et Robert.
Ce qui reste à son avantage, c'est une sûreté de jugement prodigieuse sur les hommes et les événements du jour. Bien avant que la trahison se produise, il flaire et dénonce le traître. Mieux que cela, il prévoit le fiasco révolutionnaire; il montre les agissements d’une classe nouvelle qui tend à s'installer sur les ruinés de la noblesse défunte. À chaque instant, il s'élève contre les agioteurs, les spéculateurs, les classes riches (1), mais il a le respect de la propriété. Le socialisme, qui vient de faire son apparition, et compte quelques théoriciens et quelques hommes d'action avec Chalier, Leclerc, Jacques Roux, Fauchet, trouve en Marat un adversaire (2).
(1) «Je demande, dit Marat, le 5 mai 1793, qu'aucun clerc de procureur, aucun épicier, aucun riche en un mot ne soit recu dans les bataillons qui partiront pour la Vendée, à moins qu'ils n'aient fait preuve de patriotisme; iline nous faut que des patriotes dévoués à la cause de la République. Nous avons un-grand moyen de réduire les riches à la classe des sans-culottes: c'est de ne pas leur laisser de quoi se couvrir le derrière. »
(2) Il lui arriva quelquefois d’exciter-au pillage des boutiques, Mais, c'était pendant des crises de famine. En général Marat affirme son respect de la propriété,