Les serviteurs de la démocratie

298 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE

responsable de nos humiliations et de nos douleurs patriotiques, c'était Napoléon. Charras fit ce qu'avant lui personne n’aurait osé faire et n'aurait pu faire; il critiqua avec une supériorité incomparable les plans de vampagne de Bonaparte, en démontra les défectuosités et dressa le plus légitime des réquisitoires contre un génie militaire jusque-là réputé infaillible. « Si en particulier la bataille de Waterloo a été perdue, ce n'est, disait Charras, ni la faute à Grouchy, ni à aucun autre général. Napoléon a été vaincu parce qu'il avait mal pris ses dispositions, donné des ordres à contre-sens, négligé de faire occuper des positions importantes. Sa défaite a été irrémédiable parce que. se défiant de la France, Bonaparte avait refusé d’armer le peuple : le peuple vit la lutte et il ne put y prendre part. » Telle est la conclusion de Charras.

Avons-nous besoin d'ajouter que les beaux livres du proscrit ne purent pas franchir la frontière tant que dura le second empire.

Charras, brisé par le travail, miné par les soucis et par les angoisses de l'exil, succomba en 1865 à Bâle.

Le peuple suisse lui fit de splendides funérailles. Sur son cercueil on plaça son épée nue. Combien elle nous aurait été utile quelques années plus tard aux jours douloureux de l'invasion. “

Le proscrit du droit et de la liberté repose encore aujourd’hui en terre helvétique. Ira-t-on un jour reprendre ses cendres pour les rapporter au milieu de ce peuple français qu’il a tant aimé et qu'il aurait voulu rendre heureux, libre et grand?

S’ily a une place auprès de la tombe de Godefroy Cavaignac dans le cimetière Montmartre, où est enterré Baudin, — c’est À que Charras devrait être.