Lettres sur la révolution française : par J. Gorani, citoyen français, à son ami Ch. Pougens
14 RÉVOLUTION ces émigrés auroient dû vous dire auffi, qu’il exiftôit dans toutes ces places, des municipalités , des magiftrats du peuple , remplis de zèle pour le nouvel ordre de chofes, & qui furveilloient jour & nuit ces comtandans ; ces officiers, dont ils rendoïent les tentatives inutiles.
Ils vous ont bien trompé, monfeigneur, ces émigrés ; en vous difant que vous n’auriez à combattre qu’une poignée de faétieux ; cette poignée confifte dans les 19 vinotièmes de la nation, éprife du plus violent amour pour une nouvelle divinité, à laquelle les français donnent le nom de Liberté ; les pères & les fils, les filles & fes femmes font, à cette idole, toutes fortes de facrifices ; chacun offre fa fortune & fes bras pour ja défenfe de fa patrie, chacun fouffre gaiement pouf elle les fatigues , la mifêre & la mort.
La révolution; qui a mis la couronne britatinique fur la tête du Prince d'Orange, avoit fait en Angleterre un grand nombre de mécontens; un quart de la nation étoit pour Jacques Stuart. Pendant la révolution des Anglo-américains , un tiers des habitans étoit pour la métropole ; cependant une foible majorité fut aflez forte pour foutenir la révolution dans ces deux états; comment donc celle de France ne fe foutiendroit-elle pas avec une majorité qui eft prefque une unanimité ?
Je ne fuis, Monfeigncur, ni Allemand, ni Français, mi Démocrate, ni Ariftocrate; étranger à tous les partis ; Je vois les objets fans partialité; calme au milieu des orages, j’examine tout avec une raïfon froide & fans nuages ; ami des hommes en général, j'ai une véritable eflime pour fa Plupart des Princes du nord, parce qu’ils fe: conduifent bien autrement que ceux du midi; j'ai une