Lettres sur la révolution française : par J. Gorani, citoyen français, à son ami Ch. Pougens

FRANÇAISE.

Quatre fois, fire, votre maïifon a manqué Poccafion de devenir une puiflance du premier ordre :

La première s’eft préfentée à Amédée VI, furnommé le Comte-Verd ; ce prince auroit pu devenir un grand monarque , s’il avoit fu profiter de la détreffe où la France étoit pendant l’emprifonnement du roi Jean.

Si, deux fièclies après, Charles III. avoit eu moins d’érudition, de fuperftition & plus de fermeté, il au= roit pu tourner, à fon avantage, les réformes de Luther & de Caïvin. En protégeant les partifans de la liberté religieufe, qui étoient fi nombreux dans Plralie , if auroit pu renverfer l’églife dominante > la puiflance de fon clergé, s'emparer de cette fuperbe contrée, & de. venir un des plus grands princes de l’Europe : aidé des peuples Italiens, Charles auroit facilement brayé PES pagne, la France & l’Europe entière; il auroit d’ailleurs trouvé des alliés sûrs dans les princes qui avoient déjà embraflé la réforme.

Charles - Emmanuel votre père, fire, a manqué [a troifième occafion de fortir de la claffe inférieure des rois. Les armées de Marie-Thérèfe avoient été défaites à la bataille de Leiden, en décembre 1757 : malgré fes nombreux alliés ; cette princefle fe défendoit, avec beaucoup de peine, contre le grand Frédéric ; Plus redoutable par les reflources inépuifables de fon génie, que par fes forces réelles. Si votre père , fire, avoit cédé aux inflances réitérées que lui faifoit le cabinet de Saint-James, il auroïit pu s'emparer en 1758, nonfeulement du Milanais > qui étoit entièrement à fa bienféance , ainfi que des États de Modène » de Parme & de Tofcane, mais auffi de ceux de Péglife & du Foyaume de Naples , qui étoient prefque fans défenfe :