Lettres sur la révolution française : par J. Gorani, citoyen français, à son ami Ch. Pougens

34 RÉVOLUTION &, lorfqu’il auroiït été maître de toute l'Italie, quêlle puiflance auroit pu lui nuire? Cette contrée, par fon inépuifable fertilité, lui auroit fourni des moyens plus que fuffifans pour la conferver ; & fi à la paix, il y avoit eu raifon de céder une partie de cette conquête ; il en auroit au moins confervé la portion la plus importante, & il auroit eu la gloire de fonder une nouvelle puiffance, dont votre majefté feroit revètue. Votre père, fire, quoique dur éc courageux , s'effraya de difficultés utiles qu’il auroit facilement applanies, s’il avoit eu un génie élevé; il voulut qu’on n’attribuât qu'à fa juftice & à fa loyauté, la foibleffe de fa conduite dans ces circonftances, mais, c’eft toujours envain que les rois prétendent en impofer fur leurs fentimens, ils font toujours les hommes les mieux connus; tôt ou tard la févère équité prononce leur arrêt fans appel , & la vérité eft, que ce ne fut que par puñillanimité que votre père réfifta aux foilicitations de la Cour de Londres. 3

Enfin, ceft vous-même, fire, qui avez manqué la quatrième occafon de vous élever à la hauteur dont je viens de vous donner l’idée. Dans la crife où fe trouve attuellement l'Europe, vous auriez pu vous procurer de grands avantages , fi vous aviez feulement fuivi le plan de conduite, que vous avoit tracé votre père; & vous auriez pu devenir un grard prince, fi vous aviez fuivi les confeils d’un homme éclairé dans la fcience du gouvernement ; particulièrement inftruit de vos intérêts, & cet homme, c’eft moi. Je vous étudiois à Turin depuis quelques mois, lorfque vous êtes monté fur le trône; le peu d'ordre que vous mettiez dans vos dépenfes, le peu de jugement que vous montriez