Lettres sur la révolution française : par J. Gorani, citoyen français, à son ami Ch. Pougens

FRANÇAISE. 87 d'Etat, & dirige tous vos intérêts publics , pendant que vous faites la guerre aux bêtes fauves, aux poiffons, pendant que vous vous amufez à vendre le produit de votre pêche à vos poiffardes, à écouter leur groflière= tés, à leur en répondre dans leur patois, à manger le macaroni à leur manière, en les contrefaïfant, en leur prenant les mains! Vous croyez, fire, vous faire aimer de vos peuples par cette exceffive popularité, vous vous trompez, cette conduite ne plaît qu'à cette dernière claffe du peuple, qui mérite, à Naples, le titre méprifant de canaille | parce que les individus, qui la compofent, ne favent ni lire, ni écrire, n’ont nifeu, ni lieu, font prefque nuds, &c couchent conftamment dehors, fous un ciel qui, à la vérité, eft prefque toujours pur & ferein. Quelques poignées de macaront mal cuit, quelques fruits & quelques verres d’eau à la glace, toutes chofes qu’ils fe procurent, pour fix ou fept grains, fuffifent chaque jour à feur nourriture; enforte que les falaires de trois commiffions qu'ils font dans une matinée, leur procurent de quoi vivre pendant deux jours; ils paffentle refte du cems, tantôt à fe pâmer de rire devant un Polichinel , tantôt à pleurer à chaudes larmes , & à fe donner des coups de poing fur la poitrine devant un charlatan religieux, qui les effraye par les grimaces convulfives qu’il leur fait, en Îles menaçant des tourmens horribles de lenfer; charlatanifine extrémement.dangereux, & que vous n’eufliez jamais dû fouffrir, Cette populace vit fans foucis , fans inquiétude, elle fe croit heureufe, & ce font les feules gens qui vous aiment, fire, les autres clafles du peuple qui ont quelque inftruétion, quelque talent, quelques propriétés , fentent bien leur mifere, ils en connoïffent

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