Louis XVI et la Révolution

286 LOUIS XVI ET LA RÉVOLUTION.

L’historien, qui n’est pas arrêté par la même révérence, et qui n’a qu'un devoir, doit dire tout haut ce que ces différents témoins pensaient sans doute tout bas, ce que peut-être ils n’osaient pas s’avouer à eux-mêmes : le vrai coupable, dans l'échec de Varennes, c’est le roi.

La reine sans doute a aussi un peu sa part de responsabilité. Sa frivolité, son amour du luxe faillirent tout compromettre au départ : « Un nécessaire énorme pour sa dimension, et qui contenait depuis une bassinoire jusqu’à une écuelle d'argent, parut un meuble dont on ne pouvait se passer. Elle l'avait commandé à l'époque des premières insurrections, en 1789, pour lui servir en cas de fuite précipitée. Je donnai l'ordre, ajoute M#° Campan, à la femme de garde-robe, chargée de tous les détails de ce genre, de mettre le nécessaire en état d'être emballé et transporté. Cette femme s’acquitta ponctuellement de la commission ; mais le soir même, 15 mai 1791, elle fit savoir à M. Bailly, maire de Paris, qu'il se faisait chez la reine des apprêts pour un départ. » Comme imprudence, MarieAntoinette aurait même fait mieux, au témoignage de Choiseul : « Je tiens de la reine elle-même, dit-il, que, quand elle traversa le Carrousel à pied pour aller joindre la voiture, elle vit celle de M. de La Fayette; elle eut même la fantaisie, avec une badine qu’elle tenait à la main, de chercher à toucher les roues de la voiture. » L’anecdote est contredite par d’autres témoignages : « La première personne que la reine et Madame Élisabeth rencontrèrent à la sortie du château, raconte Ferrières, fut M. de La Fayette, monté sur son cheval blanc; cette vue les fit tressaillir; elles baissèrent leurs coëffes, et se hâtèrent de rejoindre leur voiture. » Le comte de Valory, un des trois gardes du corps, repousse également la version de M. de Choiseul. Cette histoire, si elle était authentique, ferait supposer que la reine avait de bonnes raisons pour ne rien craindre de La Fayette, en un mot, que celui-ci était son complice. La chose, affirmée par l'abbé Georgel, par Augeard, est