Louis XVI et la Révolution

VARENNES ET SES CONSÉQUENCES. 287

si absurde, qu’elle a été réfutée par des contemporains, peu suspects de tendresse pour La Fayette. Marie-Antoinette n’a donc pas dû jouer ainsi avec le danger. (aurait été une bravade et non de la bravoure. Du reste, Marie-Antoinette ne montre pas dans cette évasion sa fermeté ordinaire. Quand le baron de Goguelat, à Varennes mème, au moment suprême, la supplie de décider le roi à partir coûte que coûte, elle répond, au témoignage du baron : « Je ne veux rien prendre sur moi; c’est le roi qui s’est décidé à cette démarche; c’est à lui d’ordonner, et mon devoir est de le suivre : d’ailleurs M. de Bouillé ne peut pas tarder à arriver. » La fille de MarieThérèse n’est plus ce jour-là que la femme de Louis XVI. Son énergie est brisée par cette terrible déception; les traces matérielles de ses émotions sont visibles : « La première fois que je revis Sa Majesté, dit M"° Campan, elle ôta son bonnet, et me dit de voir l'effet que la douleur avait produit sur ses cheveux. En une seule nuit ils étaient devenus blancs comme ceux d’une femme de soixante-dix ans. » Neuf mois après, elle pleurait encore en racontant ce voyage. Ge n’était pourtant pas elle qui avait le plus de reproches à se faire.

Le roi était resté fidèle à son déplorable système d'écouter tous les avis et de n’en suivre aucun, en tâchant de les mettre tous à profit; il s’en rendit compte, mais plus tard. Le 14 mai 1792 il disait au comte de Fersen, dans une entrevue intime : « Ah ça, nous sommes entre nous, et nous pouvons parler. Je sais qu'on me taxe de faiblesse et d’irrésolution, mais personne ne s’est jamais trouvé dans ma position. Je sais que j'ai manqué le moment, c'était le 1% juillet ; il fallait alors s’en aller, et je le voulais, mais comment faire quand Monsieur lui-même me priait de ne pas partir, et que le maréchal de Broglie, qui commandait, me répondait : Oui, nous pouvons aller à Metz, mais que ferons-nous quand nous y serons ? J'ai manqué le moment... » Cette conversation toute confidentielle prouve combien Dumont avait raison, lorsqu'il écrivait :