Mémoire sur la Bastille

278 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

du faubourg Saint-Antoine, avoient remercié de leurs services plusieurs milliers d'hommes qui les étoient venus trouver la pioche ou la pique à la main.

Profitant de ces dispositions, nous invitons, à neuf heures du matin, tous les vainqueurs de la Bastille à se rassembler dans l’église des QuinzeVingts!, et nous nous y rendons nous-mêmes, le maire à notre tête.

Neuf cents bons patriotes, forts du décret dont ils avoient le droit de s’autoriser, consternés cependant, menacés, mais exempts de crainte, nous attendoient en silence et le feu dans les yeux. Et quels patriotes! ceux qui avoient emporté la Bastille; ceux qui ne demandoient pas mieux que d’aller sur-le-champ en attaquer une autre ; ceux enfin que la nation venoit de couronner après tant de promesses, après tant de délais.

Que leur dire? « On vous a tout donné: il faut tout rendre. » Notre cœur en saignoit; nous eûmes cependant la force de le dire. « Si l’on alloit nous prendre au mot, retirer toutes les grâces et nous déshonorer? » Notre maire fait signe qu’il va parler : on l'écoute, d’abord avec respect ; bientôt ils s’attendrissent, et se rendent à nos

1. Faubourg Saint-Antoine, (Dusaulx.) — Le transfert récent des Quinze-Vingts (1780) explique cette note de Dusaulx.