Mémoires sur la Révolution française

BRUTALITÉ DU GEOLIER 4169

son se montrèrent pleines d'attention et se privèrent même pour moi du peu d’eau qu’elles purent économiser. Le malheur commun avait fait de nous des amies sincèreset même romanesques, et nous étions toujours prêtes à mourir les unes pour les autres. Le geôlier nous donnait le matin à chacune une bouteille d’eau sale, qui devait nous suflire pour toute la journée, parce qu’il ne voulait pas se donner la peine de la remplir une seconde fois. Quelquefois nous obtenions un peu d'eau-de-vie du porte-clefs, qui avait toujours dans sa poche une bouteille de cuir et nous en offrait souvent une goutte. Quoique très-mauvaise, elle m'était fort utile, car je m'en servais pour me laver la bouche, et j'étais du petit nombre des prisonniers qui ne souffraient pas des dents et ne les perdaient pas, malgré l'humidité des chambres qui étaient fort grandes. On avait renvoyé le geôlier que j'avais

trouvé en arrivant et il avait été remplacé par un 2"