Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques
2 jh
naguère encore étalées non sans une certaine faveur, d’une philosophie en déelin, je ne tenterais pas une œuvre tout à fait inutile. C'est vers les grandeurs de l'esprit humain qu'il faut sans doute et par-dessus tout avoir ses regards tournés, pour s'en mieux pénétrer; mais il faut aussi, par accident, laisser tomber ses yeux sur ses petitesses et ses bassesses ; car si l’une de ces vues élève, l’autre préserve et prémunit, et de leurs concours bien ordonné se forme cette science du bien et du mal à la fois, du bien pour limiter, du mal pour l'éviter, qui est en somme toute la sagesse humaine.
Je voudrais finir, j'en ai hâte, et cependant je sens que j'ai encore quelque chose à dire.
Je viens de répondre à une objection ; mais elle n’est pas la seule qui pourrait m'être faite, et il en est une autre du même genre, que je regretterais d'avoir négligée, quoique je ne croie pas l'avoir provoquée ni méritée : n'est-il pas à craindre que ces études , et en particulier celle à laquelle je me suis livré en dernier lieu, ne donnent une fausse idée de l'esprit même et des sentiments du xvmr® siècle, etne fassent inopportunément injure à sa mémoire? C’est à cette crainte et à ce scrupule, que je comprends, quoique je ne les partage pas , que je désirerais donner quelque légitime satisfaction. Il s’agit, par conséquent, de montrer que j'ai pu longuement analyser, discuter et juger, même dans les moins relevés et les plus hasardeux de ses auteurs, une philosophie qui a régné au xvrn siècle, sans pour cela manquer d’une part à la plus exacte et à la plus sincère vérité; de l’autre au respect et à la reconnaissance qui sont dus à ce siècle, en souvenir de ce que, avec de fâcheux, il nous a légué d'excellent.