Michelet et l'histoire de la Révolution française

8 MICHELET. — HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

liberté est juste et sainte. Elle commence celle du monde et veut grouper les peuples dans une unité d'intelligence et de volonté ! »

C'était l'idéal de la Révolution française que Michelet traçait dans ces pages, et, à ce moment, il se croyait appelé à exposer ce rèle éducateur de la France en écrivant à la fois et l’histoire d'Halie et celle de la France. Rome élait le nœud de l'histoire dont la France devait fournir la solution. Pour l’Halie, il n’alla pas plus loin que l'histoire de la République romaine. Et il entreprit aussitôt une Histoire de France, d'abord conçue comme complète en cinq volumes, mais dont le sixième, achevé en 1843, n’arrivait que jusqu'à la fin de Louis XI. En même temps, son cours du Collège de France, où il abandonne les procédés d'enseignement suivi et méthodique, nourri de faits, qu'il avait employés à l'Ecole Normale et à la Faculté des lettres, l’excitait de plus en plus à jouer un rôle d’apôtre et de tribun, et il éprouvait quelque impalience d'annoncer au monde les vérités qu'il croyait destinées à lui ouvrir les voies de l’avenir. Or, ces vérilés, c’est, pour lui. dans l'esprit et les doctrines de la Révolution qu’elles se trouvent. De plus les circonstances de la vie publi que, en même temps que les événements de sa vie privée et le développement de ses idées, l'avaient amené à se jeter dans la bataille religieuse et à attaquer violemment la réaction catholique grandissante. Aussi, bien qu'il considère toujours le Christianisme et la Révolution comme les deux grandes forces dont dépend l’évolution humaine, il ne considère plus la Révolution comme étant simplement une conséquence et l’accomplissement du Christianisme. Tout en cherchant ce qu'il peut yavoir dans le Christianisme de conciliable avec la Révolution, il voit dans la Révolution à la fois l'héritière et l'adversaire du Christianisme. Elle le continue en le contredisant. Il se sent d'autant plus pressé de donner la formule de la Révolution, de raconter cette histoire dramatique où se trouvent loutes les origines, foule l'explication du monde moderne.

Au printemps de 1843. il avait livré bataille avec Quinet aux Jésuites, et il pense d’abord que le plus pressé sera d'écrire l'histoire de la Renaissance et de la Réforme, après avoir clos le moyen äge par le règne de Louis XI, qui est déjà un prélude des temps modernes et même de la Révolution. Mais il sent que son Histoire va prendre un autre lour, un autre ton.

« Que je le veuille ou non, écrit-il le 5 juillet 1843, l'Histoire de France

sera modifiée. Qu'elle le soit, selon le vrai... J'entre dans la Renais-

sance, les guerres d'Italie, ete. H étail grand temps que je prisse parti nettement contre le parti de la mort, sinon la matérialité de ces temps m'aurait gagné... Celle heureuse anticipation du souffle de la Rélormie me vient à merveille. »

Mais la Réforme est bien loin encore de la Révolution, et il se demande comment il arrivera à ackever son œuvre.

Il écrit le 22 mars 1844 (second jour du printemps, d'un froid printemps) : « Alors je me mis à songer, calculer, prévoir : je n’achèverai pas si je ne me hâte. Jusqu'ici j'ai fait un volume par 18 mois ou deux ans, le troisième 1837, quatrième 1839, cinquième 1841, sixième 1843 (dans ces trois derniers, seulement trois règnes ou 63 ans de 1380 à 1483). C'est-à-dire que la proportion primilive s’est trouvée rompue. Donc si l'Histoire de France n’était accélérée, il faudrait 12 ans au moins, ce qui

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