Musique exécutée aux fêtes nationales de la Révolution française : chant, choeurs et orchestre
FÈTE POUR LA PRISE D'OSTENDE, 4 JUILLET 1794. 65
leur disposition, par cet arrêté du Comité de salut public, en date du 15 messidor IT (3 juillet 1794), jusqu'ici inédit :
L'Institut national de musique, chargé de former un orchestre nombreux pour les concerts du peuple, est autorisé à s’adjoindre les musiciens et chanteurs des spectacles de Paris dont il jugera les talents utiles à l'exécution du présent arrêté.
Ces artistes seront indemnisés d’après les états qui seront remis à la Commission d'instruction publique, par l'Institut national qui est chargé de fixer cette indemnité.
L'Institut national est autorisé à faire, soit pour les fêtes publiques, soit pour les concerts du peuple, les dépenses nécessaires pour l'exécution de la musique, telles que copie de musique, réparations d’instruments et musiciens composant l'orchestre pour les danses du peuple...
L'Institut remettra les états de ces dépenses à la Commission d'instruction publique, qui les jugera et en
ordonnera le payement jusqu’à concurrence de 50.000 livres pour un an.
Barère, Carnor, C. À. PRIEUR, SAINT-JUsr:
Si l’on jugeait du rôle de la musique, en cette circonstance, par les récits des journaux du temps, on conelurait qu'il a été nul, car le laconisme ordinaire de leurs renseignements sur les œuvres exécutées, fait place au silence absolu. Fort heureusement, des documents manuscrits que nous avons trouvés, nous permettent de combler cette lacune. Si pour la France, la conquête d'Ostende a été d’une importance capitale, sa célébration est un événement qui doit fixer l'attention du musicien, car elle a été marquée par l'éclosion du magnifique hymne de Méhul : le Chant du départ, que tous les historiens, sans exception, ont fait remonter au 14 juillet 1794, faute d'avoir eu connaissance des documents que nous allons révéler ici pour la première fois. Ge sont des pièces de comptabilité ; par conséquent, elles nous fournissent des détails aussi précis qu'authentiques. |
La première : Etat des dépenses ordonnées par l'Institut national de musique pour le concert du peuple du 16 messidor, au jardin national, en réjouissance de la prise d'Ostende, datée du 6 thermidor an II (24 juill. 1704), est un bordereau récapitulatif (s'élevant à la somme de 2430 liv. 12) qui nous renseigne sur l’ensemble des opérations et confirme les détails, plus curieux, contenus dans ses annexes. Elles nous apprennent d’abord que le personnel de l’Institut national — comprenant exclusivement des compositeurs et des instrumentistes — fut renforcé par trente musiciens supplémentaires, parmi lesquels nous relevons les noms de Daleirac (d'Alayrac), le charmant compositeur de Nina et de Renaud d'Ast; de Rode, le célèbre violoniste; de Guérillot, qui s’acquit aussi une certaine réputation comme violoniste; de Chol, qui tint l'emploi de violon-solo à l'Opéra ; de Pradere, le pianiste, et des frères Louis et Hyacinthe Jadin, pianistes et compositeurs. Les chanteurs, au nombre de 78, furent recrutés parmi les choristes de l'Opéra, de l’Opéra-Comique, des théâtres Feydeau et de l’'Egalité; dans ce nombre nous ne voyons à citer que Mile Himm, qui se fit une situation, par la suite, sur la scène de l'Opéra. Instrumeniistes et choristes reçurent chacun une indemnité de 19 livres. D'autres musiciens formèrent sept orchestres de cinq à sept exécutants « pour la danse du peuple » ; douze livres seulement leur étaient attribuées.
Les mémoires de copie de musique et de fourniture de morceaux gravés, nous font connaître une partie du programme : l'Hymne à l'Etre suprême, l'Hymmne à la victoire, le chœur de Gossec : Vive à jamais la liberté, déjà exécuté antérieurement, la Bataille de Fleurus et le Chant du départ. Ce ne fut pas tout assurément, mais nous ne croyons pas que ce soit trop présumer, que de considérer ces œuvres comme les principales du concert.
De la première, l'Hymne à l’Etre suprême, qui date du 20 prairial précédent, et que l'on avait exécuté plusieurs fois depuis, nous ne dirons rien pour le moment, réservant notre analyse pour le chapitre où il sera question de cette cérémonie; de même pour le chœur de Gossec. Les autres, au contraire, spéciales à la circonstance et offertes au public pour la première fois, appellent immédiatement notre attention.
En écrivant, pour la fête du 11 messidor, l'Hymne à la Victoire sur la bataille de Fleurus, que l'on appela aussi plus simplement, la Chanson de Fleurus (p. 76), Catel n'avait pu faire qu'une œuvre hâtive, sans importance musicale et d’une exécution facile avec peu de moyens, dont sa conscience d'artiste s'accommodait mal, bien qu'il ait été contraint par les exigences du moment. Il eut donc à cœur de refaire son travail selon les ressources des grandes exécutions ; c'était d’ailleurs son intérêt, n'ayant encore produit aucune grande composition. La Bataille de Fleurus (p. 78) pour chœur et orchestre d'instruments à vent, fut le résultat de cette détermination. Elle comprend trois morceaux d’un caractère différent, pouvant s’enchaîner ou s'exécuter isolément. La facture en est plutôt scolastique; on y trouve des marches d'harmonie, canons etc., présentés sous une forme intéressante. Point de mélodie à proprement parler, des suites d'accords savamment enchaînés et combinés en vue d’un effet d'ensemble, On sent que l'auteur a procédé largement, en tenant judicieusement compte des conditions d'exécution par des masses imposantes et en plein air. On remarque dans son œuvre, le souci de l'expression et un certain sentiment, avec une tendance au style imitatif. Ainsi le premier morceau emprunte au mouvement {rès animé, une énergie bien en rapport avec les paroles : Non, non, tl n'est rien d’impossible à qui prétend vuincre ou périr ete. Le second, n’est pas moins bien en situation avec les clarinettes, cors et bassons, rappelant le murmure des vagues par leurs batteries à la seconde mineure ou leurs larges accords crescendo et decrescendo, tandis que le chœur procède par progressions et qu'enfin, les