Musique exécutée aux fêtes nationales de la Révolution française : chant, choeurs et orchestre

68 4 JUILLET 1794. — LE CHANT DU DÉPART.

Ceci admis, il devient évident que la version d’Arnault plaçant la composition de Méhul à l’époque ds répétitions de Hélidore (février-avril 1794), est à écarter, de même que celle qui la fait dater de l'anniversaire du 14 juillet, car il est non moins évident que les vers de Chénier ne contiennent aucune allusion à la prise de la Bastille. Mais, n'insistons pas davantage, puisque nous pouvons signaler une exécutionantérieure, grâce aux mémoires que nous avons découverts, l’un signé Ozi, concernant la fourniture par le Magasin de musique à l’usage des fêtes nationales, de cent exemplaires gravés du Chant du Départ, pour le concert du 16 messidor ; l’autre, du citoyen Thiémé, ainsi conçu :

Musique copiée par ordre des citoyens Sarrelte et Gossec, chefs de l'Institut national de musique, pour le concert donné au jardin des Thuileries en réjouissance de la victoire remportée à Fleurus, le 16 messidor an IT de la République :

Vive à jamais la liberté... ... ner ne ses... 68 pages Chant du départ. .......... SE ce éteinte, LOI Bataille de Fleurus de Gatel....,....,.................. 410 —

418 pages à 4 sous

Ainsi, nous parvenons à établir incontestablement, que le Chant du Départ a fait partie du programme du concert du 4 juillet 1794 (ce que l’on ignorait depuis près d’un siècle), avant de figurer sur celui du 14 du même mois.

On manquait aussi de preuves relativement à son exécution au concert du 14 juillet, nous pouvons en donner plusieurs que nul n’a encore signalées. D'abord, le programme proposé le 20 messidor (8 juillet) au Comité de salut public par l’Institut national de musique, sur lequel le Chant du Départ occupe le cinquième rang ?; puis cet extrait d’une lettre adressée par l’administration de l’Institut national de musique à la Commission exécutive de l’Instruction publique le 25 messidor, c’est-à-dire la veille du 14 juillet :

P. S. — Nous allons faire imprimer d’après la lettre que nous recevons de vous du 25 messidor, les stro.

phes de Lebrun au nombre de 8000. Nous vous proposons de faire tirer pareil nombre de l’Hymne du Départ dont nous joignons un exemplairé et qui doit être exécuté au concert du 26...

Ensuite, cette annonce du Journal de Paris du 27 messidor (15 juillet), passée inaperçue à notre grand étonnement, ce journal ayant été maintes fois mis à contribution par les musicographes :

«€ On trouve au magasin de musique etc.., les morceaux suivants exécutés au concert du peuple hier 26 messidor époque du 14 juillet : La bataille de Fleurus., de Lebrun et Catel, le Chant du Départ de Chénier et Méhul...»

Voilà qui suffit, eroyons-nous, à éclureir définitivement l’origine de l'hymne qui, avec la Marseilluise, exerça une action si puissante sur les jeunes soldats de la République, et qui répond à certaines questions posées par divers écrivains. Aux détails près, le premier récit d’Arnault se rapproche le plus de la vérité, en ce qui concerne la première exécution. Nous ne saurions dire si sa plume a trahi ses souvenirs, lorsqu'il écrivit qu'elle eut lieu « dans les champs de Fleurus, le jour même de la victoire », alors qu'il eut peut-être fallu dire « le jour de la fête de la victoire », mais rien ne prouve que l’on doive considérer son récit comme rentrant dans le domaine de la fantaisie, parce que l’on se figure difficilement Méhul instrumentant son hymne pour musique militaire et le faisant exécuter à l’armée concentrée à Fleurus, avant de l'avoir fait entendre à Paris. Il est plus que probable, il est certain même, que le Chant du Départ a été exécuté d’abord à Paris, mais ce qui est non moins sûr, c’est que Méhul l’écrivit pour le répertoire de l’Institut, qui formait une nombreuse musique militaire et fournissait des musiciens aux armées; donc rien d’extraordinaire à ce qu'il ait spécialement utilisé les instruments à vent. C’est d'ailleurs à ces derniers seuls, que dans le principe, il a confié l'accompagnement du chœur ainsi qu’en fait foi la première grande édition du Magasin de musique à l'usage des fêtes nationales. Quant au silence des journaux du temps il n’a rien qui nous surprenne. À cette époque où les préoccupations politiques et sociales primaient tout et alors que le reportage n'était pas créé, il ne pouvait y avoir place pour lecompte rendu d’unévénement aussi peu considérablequ'un concertet l’on ne saurait arguercomme exception, la valeur de l’œuvre exécutée ; aussi grande que fut l'impression qu’elle produisit, elle devait subir la loi du temps avant que d'acquérir la célébrité, qui ne se fit pas beaucoup attendre, témoin cette note de Duchosal écrite à la suite de l'audition du 10 août 1794, que nous extrayons d’un des rares articles qui firent mention du chant de Méhul:

! En écrivant « Fleurus » au lieu « d'Ostende », le copiste fait erreur, mais cela n’infirme pas notre renseignement, la fète de Fleurus ayant eu lieu quelques jours auparavant, D'ailleurs, la date du 16 messidor, est bien celle de la fête organisée à l’occasion de la prise d'Ostende et le mémoire ci-dessus figure sur l’état général des dépenses ordonnées pour cette dernière, ce qui ne permet pas de supposer qu'il y à eu confusion de la part du copiste.

; ? Ce programme est insèré #n-extenso dans notre article « La Musique à la fête du 14 juillet 1794 » (Revue dramatique et musicale) qui contient en outre différentes pièces manuscrites relatives à cette solennité, conservées aux Archives nationales (Fic 1. 84).

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