Napoléon Bonaparte, drame en six actes et en vingt-trois tableaux

92 LE MAGASIN THÉATRAL.

LE DUC DE RAGUSE. Leurs majestés se sont retirées sur la Loire avec les ministres. NAPOLÉON. Combien me ramenez-vous d’homines , messieurs.

LE DUC DE RAGUSE. Moi , neuf mille.

LE DUC DE TRÉVISE. Moi, six mille.

NAPOLÉON, à Ney. Prince, où sont les troupes que vous commandiez ?

Ney. Sire , elles rejoignent le quartier général.

NAPOLÉON. Combien d'hommes? Paris rendu!

Ney. Dix mille.

NAPOLÉON. Et vous, messieurs ?

TARENTE e{ NEUFCHATEL. Quinze mille, à peu près...

NAPOLÉON. Ainsi donc, j'ai encore ici quarante mille hommes sous la main ?

NEY. Oui, mais découragés, fatigués.

NAPOLÉON. Qu'est-ce que vous dites, monsieur le prince?

(I se montre à la fenêtre.)

TOUS LES SOLDATS. Vive l’empereur! vive l’empereur! Sur Paris! sur Paris! Marchons sur Paris!

NAPOLÉON, revenant. Vous entendez! eux ue se fatiguent pas, messieurs! Monsieur le duc de Raguse , placez votre quartier-général à Essonne. C’est vous qui serez mon avant-garde.

LE DUC DE RAGUSE. Sire, c’est une grande responsabilité !.….

NAPOLÉON. Si je connaissais un homine plus sûr que toi, mon vieux camarade , c’est à lui que je confierais ton empereur. Je serai tranquille, Marmont , tant que tu veilleras sur moi. Monsieur Le maréchal de Trévise, vous établirez votre camp à Mennecy ; ce qui viendra de Paris se ralliera derrière votre ligne ; ce qui arrivera de Champagne prendra une position intermédiaire du côté de Fontainebleau. Les bagages et le grand parc seront dirigés sur Orléans. Donnez vos ordres:

LE DUC DE TARENTE , à demi-voix. Il va nous faire marcher sur Paris... Et nos femmes, noS éofans qui y sont en otages! Quand finira-t-on ?.…

NAPOLÉON, se retournant. Hein! vous m'avez entendu, messieurs.

VOIX DANS L’ANTICHAMBRE. Le duc de Vicence ! le duc de Vicence !

LE DUC DE TARENTE. Caulaincourt!

NAPOLÉON. Caulaincourt !

LE DUC DE TARENTE. Quelle nouvelle ? Qu'y at-il, monsieur le duc? Eh bien!

Paris ?

CAULAINCOURT. Rendu.

LES MARÉCHAUX, Les alliés?

CAULAINOOURT. Ÿ sont entrés ce matin.

NAPOLÉON. Eh! messieurs, c’est à moi que le duc de Vicence a affaire ; je pense ; donnez donc vos ordres. Allez , allez. ( Lis sortent.) Qu'y a-t-il, Caulaincourt? voyons, parlez.

CAULAINCOURT, Sire, le sénat a ‘proclamé la déchéance.

NAPOLÉON. De qui ?

CAULAINCOURT. De l’empereur Napoléon… NAPOLÉON. Ma déchéance, à moi ? le sénat?.. Ah ! les malleureux ! Avez-vous vu

es souverains alliés?

CAULAINCOURT. Tous.

NAPOLEON. Et Alexandre ?

CAULAINCOURT. Oui.

NAPOLÉON. Eh bien ! quedisent-ils, eux ? Quelles sont les conditions qu’on impose ? Parlez vite... ne voyez-vous pas que je brüle ?

CAULAINCOURT. Il y à un parti violent pour les Bourbons…

NAPOLÉON.Les Bourbons! les Bourbons ! C'est moi qui suis l’empereur. Ils m'ont tous reconnu comme tel, ils m’ont appelé leur frère. Les Bourbons! c’est impossible. |

CAULAINCOURT. Sire, il n’y a peut-être qu’un moyen de conserver le trône dans la famille de Votre Majesté ; c’est d’abdiquer en faveur du roi de Rome, avec la régence de l’inpératrice…

NAPOLÉON. Mais , monsieur le duc, j'ai ici quarante mille hommes ; l’ennemi vient d’en laisser douze mille dans les fossés de Paris. Leurs généraux sont dispersés dans les hôtels. En huit jours je peux faire marcher cent mille hommes sur la capitale.

CAULAINCOURT. Sire, on est las de la guerre.

NAPOLÉON. Les Parisiens se réveilleront au bruit de mon canon !...

CAULAINCOURT. Sire, des cris de Vive Le roil sivent les Bourbons ! ont été proférés hier dans les rues ; beaucoup de fenêtres étaient pavoisées de drapeaux blancs. Sire, au nom du ciel... il m’en coûte. sire, abdiquez en faveur du roi de Rome.

NAPOLÉON, Eh! que diraient mes vieux généraux ?.. (Se tournant vers le fond.) Maréchaux , entrez, entrez tous... Où est Raguse? UN MARÉCHAL. À l’avant-parde.….

NAPOLÉON. Savez-vous ce qu’on mepro= pose ? une abdication en faveur du roi de Rome.

UN MARÉCHAL. Et croyez-vous que les souverains alliés s’en contentent ?

NAPOLÉON. S'en contentent ?