Napoléon Bonaparte, drame en six actes et en vingt-trois tableaux

NAPOLÉON. 33

UN MARÉCHAL. Alors, sire.…

NaPpOLÉON. Eh bien!

UN MARÉCHAL, Îl faut abdiquer , puisque Le roi de Rome peut être reconnu. S'ils ne reconnaissaient pasle roi de Rome, nous vous dirions: Sire, nous sommes prêts à marcher.

NaPpOLÉON. Ah! c’est votre avis aussi à vous.. Vous voulez du repos! Ayez-en donc. Ah! vous ne savez pas combien de chagrins et de dangers vous attendent sur vos lits de duvet !... Quelques années de cette paix

que vous allez payer si cher en moissonne-

ont un plus grand nombre que la guerre la plus désespérée. Allons. (Z/ écrit.) « Les » puissances ayant proclamé quel’empereur » Napoléon était le seul obstacle au réta» blissement de la paix en Europe, l’em» pereur Napoléon , fidèle à son serment, » déclare qu'il est prêt à descendre du trône, à quitter la France et même la vie pour le bien de la patrie, inséparable des droits de son fils, de ceux de la ré» gence de l’impératrice , et du maintien des lois de l’empire… » Fait en notre palais de Fontainebleau, » le 5 avril 1814. » Naporéon. »

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Tenez, messieurs : c’est bien ma signature; vous devez la reconnaître : elle est sur tous vos brevets de maréchaux et sur toutes vos dotations de princes. Partez, monsieur le duc, et portez-leur ce chiffon, C’est la spoliation d’un beau trône. Oh!si J'avais fait comme eux quand ils étaient comme inoi!... Allez, messieurs, et laissezmoiseul. (Au duc.) T'arente et Trévise vous accompagneront.

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SCENE VI.

NAPOLÉON , puis CAULAINCOURT , GOURGAUD, UN SECRÉTAIRE, UN HUISSIER.

NAPOLÉON , seul, prenant un médaillon. Ah! mon fils, mon enfant! pour toi, tout pour toi... Oui, je puis tout subir, tout supporter. Ces hommes que j'ai tirés à moi... que J'ai dorés sur toutes les coutures! IL n’y a que mes soldats qui me soient restés fidèles et dévoués..… Il faut

que je les remercie. (1 appelle.) Monsieur

le secrétaire... LE SECRÉTAIRE , entrant. Sire ? NAPOLÉON. Ecrivez : L'empereur remercie l’armée pour l'attachement qu’elle lui témoïgne ; parce qu’elle reconnaît que la France est en lui , et non dans cet amas

de pierres, de rues et de boue qu’on appelle la capitale. Le sénat s’est permis de disposer du gouvernement français ; il a oublié qu’il doit à l’empereur le pouvoir dont il abuse maintenant. Si long-tems que la fortune lui est restée fidèle , le sénat l’a été. Si l’empereur avait méprisé ces hommes comme on le lui a reproché alors, le monde reconnaîtrait aujourd’hui qu'il a eu des raisons qui motivaient son mépris. Il tenait sa dignité de la nation, la nation seule pouvait l’en priver. Il a toujours. (Au duc deVicence.) Qu'y a-tl, Vicence? et pourquoi n’ètes-vous point parti?

CAULAINCOURT. J’ai rencontré ‘un courrier au moment où j'allais monter en voiture, et ilm’a remis cette nouvelle dépêche... Lisez...

NAPOLÉON. Ah! une formule d’abdication toute faite pour moi... et pour mon fils! Abdiquer pour mon fils! Jamais.

CAULAINCOURT. Sire, Louis XVIII a été proclamé roi.

NAPOLÉON. Que m'importe? n’avez-vous pas entendu tout à l'heure mes maréchaux me dire que si l’on exigeait que j’abdiquasse pour mou fils, ils seraient prêts à marcher sur Paris? Ah! sils sont insensibles aux affronts qu’on fait à leur empereur , ils vengeront du moins leur vieux camarade. Duc, appelez-les. Dans six heures nous serons devant Paris.

CAULAINCOURT. [Il n’y a personne dans lantichambre.

NAPOLÉON. Dites à l’huissier de les ap= peler.…. |

CAULAINCOURT , à un huissier. Santini, appelez les maréchaux... Comment! ils n'y sont plus ? ‘

NAPOLÉON , se retournant. Que dit-il ? Cet homme se trompe... Je demande mes maréchaux.

L'HUISSIER SANTINI. Sire, ils sont montés à cheval tout à l'heure, et sont parüs l’un après l’autre.

NAPGLÉON. Pour aller où!

SANTINI. Îls ont pris la route de Paris.

NAPOLÉON , près un silence. Oh! je suis donc bien méchant!

CAULAINCOURT. Vous le voyez, ‘sire ; eux.aussi vous abandonnent.

NAPOLÉON. Que m’anporte? Il me reste Raguse : Raguse et moi suffirons à notre armée, et notre armée nous suffira, monsieur le duc.

GOURGAUD , entrant. Sire, sire, toute la route de Fontainebleau est découverte. Le duc de Raguse est passé à l’ennemi avec les dix mille hommes qu'il commandait.

NAPOLÉON. Et lui aussi ! l’ingrat Raguse !