Napoléon Bonaparte, drame en six actes et en vingt-trois tableaux

NAPOLÉON, 7

BONAPARTE. C’est inutile pour lire Vauban, Folard et Montecuculli… Nous avons une bonne traduction de Polybe et des Commentaires de César : c’est tout ce qu’il faut.

JUNOT. Quant à ma famille.

BONAPARTE. Je ne m'informe jamais de cela... Je te demande, veux-tu être bon Français avec moi, — voilà tout.

JUNOT. Oui, mon commandant,

BONAPARTE. Je ne sais si je deviendrai autre chose quecommandant d’artillerie… à tout hasard, veux-tu être mon secrétaire ?

JuNoT. Je le veux bien.

BONAPARTE. Eh bien ! va dire à Muiron, qui est ton capitaine, je crois... que je te demande à lui ; — puis tu reviendras.

(Junot sort.)

10000000000020000000000000000000000000 000002

SCENE VI. BONAPARTE, ALBITTE, FRÉRON, . DUGOMMIER.

( Les représentans du peuple Albitte et Fréron donnent aux fond des ordres aux canonniers qui sont aux pièces.)

BONAPARTE, qui entend du bruit. Qui touche à mes pièces ?

ALBITTE. Nous — qui en avons besoin ailleurs et qui les faisons transporter où nous en avons besoin.

BONAPARTE. Citoyens représentans, ces pièces ne bougeront pas de là... — Canonniers, en batterie.

(Les canonniers arrachent les pièces aux représen-

tans et les replacent.)

FRÉRON. Tu méconnais nos ordres !

BONAPARTE. Faites votre métier de représentans du peuple , et laissez-moi faire celui d’artilleur.

FRÉRON. Mais.

BONAPARTE. Encore une fois ces pièces ne bougeront pas de là, je Les enclouerai plutôt. — D'ailleurs cette batterie est où elle doit être; j'en réponds sur ma tête.

FRÉRON. Enfant, on la risque en désobéissant aux ordres des représentans du peuple.

BONAPARTE. Eh bien ! elle peut tomber, mais elle ne pliera pas... Espionnez la gloire, retournez à Paris, dénoncez à la barre. A votre métier; le mien est de prendre Toulon , jele prendrai, j’en jure sur mon nom!

FRÉRON. Et quel est ton nom ?

BONAPARTE. Napoléon Bonaparte,

(Le tambour bat aux champs, on entend les cris

de Vive la République ! )

ALBITTE, Qu'est cela ?

BONAPARTE, Rien... le nouveau généra qui arrive.

FRÉRON. Quel est-il ?

BONAPARTE. Dugommier.

FRÉRON. Eh quite l’a dit, quand nous l’ignorons nous? Dusommier ! — c’est impossible. BONAPARTE. Ecoutez alors.

FRÉRON. Il vient de ce côté ; allons audevant de lui, peut-être nous cherche-t-il.

(Entrent Dugommier et Gasparin.)

BONAPARTE. Non, c’est moi qu'il cherche, DUGOMMIER. Le commandant d’artillerie ?

BONAPARTE. Me voilà, citoyen général.

DUGOMMIER. Tu es un brave jeune homme : —éloignez-vous, citoyens , nous avons à causer. — Gasparin m’a parlé de ton plan d’attaque... Je l’approuve entiérement. Tesens-tu la force de l’exécuter?.. S'il manque, je prends tout sur moi ; s’il réussit, je t’en laisse l'honneur.

BONAPARTE. J’en réponds.

DUGOMAMIER. Donne donc tes ordres.

BONAPARTE. Nous allons attaquer ?

DUGOMMIER. À l'instant.

BONAPARTE, Canonniers, tirez une fusée de signal.

DUGOMMIER. Que vas-tu faire ?

BONAPARTE. Attendez... (Moment de silence, explosion dans Toulon, tocsin; etc.) Maintenant la ville est trop occupée deses affaires pour se mêler des nôtres.

DUGOMMIER. Citoyens soldats, obéissez aux ordres de ce commandant comme s'ils étaient les miens.

BONAPARTE. L'armée de siége se divisera en quatre colonnes ; deux observeront les forts de Malbousquet, Balaguier et l’Evuillette. Un autre restera en réserve pour se porter partout où il y aura du danger : c’est moi qui la commande. La quatrième aura l'honneur de marcher sous les ordres du général en chef. Le capitaine Muiron , qui connaît les localités, se portera à l’avant-sarde avec un bataillon... Pendant ce tems je jetterai quelques centaines de bombes dans le Petit-Gibraltar. (Tambours.) Ah! voilà nos voisins les Anglais qui s’éveillent. Allons , enfans, vive la liberté ! vive la république !

TOUT LE MONDE. Vive la république !

BONAPARTE. Commencez le feu.

(Les canonniers crient : En action, chargez!)

DUGOMMIER. Citoyens représentans ,

avancez et récompensez ce jeune homme ; car si l’on était ingrat envers lui , je vous