Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales

NOTE DU DUC DE CADORE À M. ROELL. 315

placé entre ses premiers et ses plus imprescriptibles devoirs, ses devoirs envers le trône impérial, et l'opinion mercantile de la nation hollandaise. Cependant S. M. I. s’arma de patience et ferma les yeux, attendant du bienfait des événements un incident qui pût tirer son frère de la douloureuse alternative où cette position le mettait.

Sur ces entrefaites, la paix de Tilsitt eut lieu ; l’empereur de Russie, provoqué par les outrages que l’Angleterre avait faits à son pavillon pendant qu’il combattait pour elle, et indigné de l’horrible attentat de Copenhague, fit cause commune avec la France.

La France espéra alors que l'Angleterre verrait désormais l’inutilité d’une plus longue lutte et qu’elle entendrait à des paroles d’accommodement ; mais ces espérances s’évanouirent bientôt. En même temps qu’elles s’évanouissaient, l'Angleterre, comme si l’expédition de Copenhague lui eût ôté toute pudeur et eût brisé tous les freins, mettait ses projets à découvert et publiait ses ordres du conseil de novembre 1807, acte tyrannique et arbitraire qui a indigné l’Europe. Par cet acte, l'Angleterre réglait ce que pourraient transporter les bâtiments des nations étrangères, leur imposait l'obligation de relàcher dans ses ports avant de se ns leur destination, et les assujétissait à lui payer un impôt. Ainsi elle se rendait maîtresse de la navigation universelle, ne reconnaissant plus aucune nation maritime comme indépendante ; rendait tous les peuples ses tributaires, les assujétissait à ses lois, ne leur permettant de commercer que pour son profit; fondait ses revenus sur l’industrie des nations, sur le produit de leur territoire, et se déclarait la souveraine de l’Océan, dont elle disposait comme chaque gouvernement dispose des rivières qui coulent dans l’intérieur de ses États. A l'aspect de cette législation, qui n’était autre chose que la proclamation de la souveraineté universelle, et qui étendait sur tout le globe la juridiction du parlement britannique, l’empereur sentit qu’il était obligé de prendre un parti extrême, et qu'il fallait tout employer plutôt que de laisser le monde se courber sous le joug qui lui était imposé. Il rendit son décret de Milan, qui déclara dénationalisés les bâtiments qui ont payé le tribut imposé par l’Angleterre. Les Américains, menacés de se trouver de nouveau soumis au joug de l'Angleterre et de perdre leur indépendance si glorieusement acquise, mirent un embargo général sur tous leurs bâtiments et renoncèrent à toute navigation et à tout commerce, sacrifiant ainsi l'intérêt du moment à ce qui