Oeuvres littéraires : ouvrage orné d'un portrait

(SEPTEMBRE 1785) *

plutôt qu'il ne les recherche? On peut aussi le supposer. Serait-ce enfin la petite adresse d’un homme célèbre, qui, flatté de l’avidité qu’on témoigne de le connaître, augmente encore avec art cette avidité en reculant, ne füt-ce que d’une minute, l'instant même où il satisfait votre désir, et se prodigue d’autant moins que vous le poursuivez davantage? Cet artilice ne serait pas tout à fait invraisemblable dans M. de Buffon. Il vint à moi majestueusement, en ouvrant ses deux bras. Je lui balbutiai quelques mots, avec l'attention de dire toujours M. le comte ; car c’est à quoi il ne faut pas manquer. On m'avait prévenu qu'il ne haïssait pas cette manière de lui adresser la parole. Il me répondit en m’embrassant : « Je dois vous regarder comme une an« cienne connaissance, car vous avez marqué du « désir de me voir et j’en avais aussi de vous

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« connaître. Il y a déjà du temps que nous « nous cherchons. »

Je vis une belle figure, noble et calme. Malgré son âge de soixante-dix-huit ans, on ne lui en donnerait que soixante ; et ce qu'il y a de plus singulier, c’est que venant de passer seize nuits sans fermer l’œil, et dans des souffrances inouïes