Oeuvres littéraires : ouvrage orné d'un portrait

8 VISITE A BUFFON

qui duraient encore, il était frais comme un enfant, et tranquille comme en santé. On m’assura que tel était son caractère ; toute sa vie, il s’est efforcé de paraître supérieur à ses propres affections. Jamais d'humeur, jamais d’impatience. Son buste, par Houdon, est celui qui me paraît le plus ressemblant; mais le sculpteur n’a pu rendre sur la pierre ces sourcils noirs qui ombragent des yeux noirs, très actifs, sous de beaux cheveux blancs. Il était frisé lorsque je le vis, quoiqu'il fût malade ; c’est là une de ses manies, et il en convient. Il se fait mettre tous les jours des papillotes, qu’on lui passe au fer plutôt deux fois qu'une; du moins, autrefois, après s’être fait friser le matin, il lui arrivait très souvent de se faire encore friser pour souper. On le coiffe à cinq petites boucles flottantes; ses cheveux, attachés par derrière, pendaient au milieu de son dos. Il avait une robe de chambre jaune, parsemée de raies blanches et de fleurs bleues. Il me fit asseoir, me parla de son état, me fit des compliments sur le peu d’indulgence dont il prétendit que le public me favorisait, sur l’éloquence, sur les discours oratoires ; pour moi je l’entretenais de sa gloire, et ne me lassais point d’ob-