Oeuvres littéraires : ouvrage orné d'un portrait

(SEPTEMBRE 1785) 47

comptais les différentes espèces ; au bout d’une heure je parvins à les réaliser, et à les écrire. Le lendemain je portai cette page à M. de Buffon; je puis dire qu’il en fut prodigieusement satisfait. À mesure que je la lui lisais, il se récriait, ou bien il corrigeait quelques mots; enfin il passa cinq jours à relire, à retoucher lui-même ce morceau. Continuellement il me faisait appeler pour me demander si j’adhérais à tel changement ; je le combattais quelquefois, je me rendais presque toujours. M. de Buffon, depuis ce temps, ne mit plus de bornes à son affection pour moi. Tantôt il s’écriait : « Voilà une haute conception, par« dieu, pardieu, on ne peut pas faire mieux une « comparaison, c’est une page à mettre entre « Rousseau et moi. » Tantôt il me conjurait de la mettre au net de ma main, et de la signer, et de permettre qu'il l’envoyât à M. et Madame Necker. Tantôt il m’engageait à la faire insérer, sans me nommer, dans le Journal de Paris, ou dans le Mercure. Noulant me divertir un peu de la bonne et franche vanité du personnage, je lui demandai si je ne ferais pas bien d'envoyer en même temps aux journaux l'inscription que son fils venait de lui dédier au pied de la colonne