Orateurs et tribuns 1789-1794

246 ORATEURS ET TRIBUNS.

Billaud-Varennes, Saint-Just lui-même ne sont que des comparses, des marionnettes dont le terrible impresario tient les ficelles ; quelque temps encore, ils iront, par la force de projection qu'il a imprimée à cette machine forgée, mise en branle, armée par lui de toutes pièces, mais l'heure approche où le Cyclope n'étant plus là, les rouages ne fonctionneront plus, où la mort de l'inventeur, du mécanicien, condamnera à mort les simples ouvriers, de même qu'en mer, pendant la tempête, le pilote venant à manquer, les passagers inexpérimentés essaient vainement de manier le souvernail et dirigent le vaisseau vers les récifs où il va sombrer.

Danton a l'esprit de sa politique, s’il n’a pas toujours la politique de son esprit. Son éloquence est simple dans sa forme, concise et substantielle, ennemie de l’emphase et du pathos, empruntant beaucoup de ses effets au genre familier, aux choses usuelles de la vie, âpre au besoin et brutale; ses mots pittoresques, imagés, d’une soudaineté qui ajoute à leur puissance, complètent, démontrent son caractère et son talent, se gravant dans la mémoire comme un beau vers ou comme un axiome de Chamfort.

En 1787, il improvise un discours en latin devant ses collègues, et, après avoir déclaré qu'il sentait venir une révolution terrible, il répète le mot fatidique : « Malheur à ceux qui provoquent les révolutions, malheur à ceux qui les font ! »