Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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ces paroles pleines de sagesse. Esprits élevés mais absolus, nos hommes d'Etat ont trop souvent pris pour guides les conceptions abstraites de leur raison sans tenir compte des enseignements de l'expérience. Ils ont oublié que, selon le mot de Voltaire, s’il est permis de voyager à Utopie, c’est à la condition den revenir ; ‘ils ont presque toujours préféré la promulgation retentissante d’une constitution politique conçue d’après un type idéal à la réforme moins rapide, moins éclatante, mais plus sérieusèment utile des institutions sociales et des mœurs politiques. L’expérience a fait justice de cette erreur : en effet, l’organisation d’un peuple ne sort pas tout achevée, comme une autre Minerve, de l’esprit d’un grand homme ou du sein d’une assemblée ; elle se forme à la longue, sous l’influence des mœurs, des croyances, de l’histoire, et, à cette condition seulement, elle est durable, parce qu’alors elle se confond avec l'esprit national, que les lois ne font pas, mais qui façonne les lois à son image et qui ne'se perpétue sûrement qu'au foyer de la famille. Les rédacteurs du Code Civil n’ont pas perdu de vue cette vérité, et Portalis, en particulier, l'a toujours merveilleusement comprise et mise en relief. Son Discours préliminaire en est partout l'expression la plus belle et la plus complète. De même qu'il donne le droit naturel pour base à la loi civile, de même, aux fondements de l'Etat, il pose le mariage, considéré sous son aspect purement humain, en dehors de toute consécration religieuse ; il insiste sur le caractère