Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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petite propriété, et, par là, elle a donné une base solide à la démocratie moderne, elle a créé des citoyens là où, il y a cent ans, existaient à peine des hommes, elle a fait entrer dans les mœurs l’égalité civile, elle a cimenté l’unité nationale et accru, dans une proportion énorme, la valeur du sol.

Tels sont les principaux éléments du grave problème que soulève la législation des successions, et que les rédacteurs du Code Civil étaient appelés à résoudre, au lendemain de la Révolution. Ils n’avaient pas, pour se guider, une expérience aussi complète et aussi décisive que celle des générations actuelles. La Révolution avait été faite en haine de ces antiques familles nobiliaires qui étaient nées du système féodal et qui, grâce au droit d’aînesse, s'étaient maintenues à travers les siècles, tantôt pour la gloire de la France, tantôt pour son déshonneur. On avait eu sous les ÿeux, au xvnésiècle, le triste spectacle d’une noblesse abâtardie,

_insolente et servile, détenant le sol de la France entre ses mains ét en dissipant les trésors, sous les yeux du Roi, dans le luxe et la débauche. On avait assisté aux déchirements des familles divisées par la question de succession, aux calculs dénaturés de la morgue aristoératique, aux abus trop fréquents de l'autorité paternelle, et la conscience publique indignée avait, par une réaction naturelle, vivement réclamé légalité des partages. Cette idée était juste dans son principe, mais l'esprit de parti la fausse. Emportés par leurs ran= eunes et leurs passions , les législateurs sortirent de la réalité des faits pour tenter l'application d’une théorie