Portalis : sa vie, et ses oeuvres

LE CODE CIVIL 297

chimérique. À l’exemple de Rousseau, ils prétendirent établir ici-bas une égalité absolue entre les hommes, non pas seulement en droit, mais en fait, et de ce rêve dangereux naquit la plus fausse législation civile. Ce ne fut plus seulement la grande maison féodale, ce fat la famille elle-même que la Convention et le Directoire battirent en brèche : après avoir supprimé la puissance paternelle, relâché les liens matrimoniaux, légitimé la bâtardise et entravé même le droit de donation, il ne restait plus qu'à dicter d’avance le testament des citoyens : c’est ce que fit la loi du 19 nivôse an II. Elle réduisit au dixième la quotité disponible et défendit au testateur d’avantager un de ses enfants; en même temps, les testaments, les less, les codicilles furent interdits; toute disposition à cause de mort dut être publique et revêtir la forme d’une donation.

Telle était la législation successorale à la veille du Consulat. Dans cette situation, la liberté absolue de tester n’était même pas discutable, et le gouvernement, qui, après avoir rendu l’ordre intérieur à la France, cherchait à reconstituer la famille, était forcé de tenir compte, dans une certaine mesure, des idées de l’époque et des préjugés de l'esprit public. Tout ce qu'il pouvait faire, en matière de successions, était de réagir contre les tendances socialistes des lois républicaines, de

réstreindre l'intervention de l’État, d'augmenter les pouvoirs du chef de famille et d'établir entre ses droits et les exigences publiques, entre les prérogatives paternelles et les intérêts de l’enfant, une conciliation aussi