Portalis : sa vie, et ses oeuvres

LE CODE CIVIL 233

la loi, disait-il, tout contrat est bon, lorsqu'il a été conclu dans les formes légales, et, pour qu’il puisse être . rompu, il faut qu’il soit entaché de violence ou de dol caractérisé. Or, si la vente à vil prix laisse soupçonner le dol, elle ne le prouve pas, et une simple présomption ne saurait suffire pour invalider un acte régulièrement conclu. Les conditions désavantageuses acceptées par le vendeur indiquent sans doute qu’il se trouvait dans une position précaire ou en proie à des passions dont il a été facile d’abuser, mais la loi peut-elle entrer dans l’examen de circonstances aussi difficiles à apprécier? L'intérêt moral que l’on invoque exige-t-il, d’ailleurs, que la loi exonère des conséquences de ses passions celui qu’elles ont conduit à ce point où la vente à vil prix devient indispensable? Ne serait-il pas, au contraire, plus moral de laisser peser sur chaque homme la pleine responsabilité de ses actes et les résultats fàcheux de son imprévoyance ou de son incapacité? Un tel système présente, il est vrai, des inconvénients, comme tout autre ; il peut mener, dans certains cas, à des décisions trop rigoureuses ; mais il a l’avantage de respecter l’initiative individuelle et de donner aux citoyens un sentiment plus viril de leur indépendance. Enfin, même en ne considérant la question qu’au point de vue exclusif de l'intérêt du vendeur, Berlier émettait cette opinion, commune à toute l’école économiste, que l'intervention possible des tribunaux le compromet plutôt qu'il ne le sauvegarde. L’éventualité d’une rescision du contrat est, en effet, escomptée par les spéculateurs de bas étage qui achètent à vil prix ; elle peut même,