Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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sauf de rares exceptions, la vigueur de son caracère. L'amour de l’étude fut l'aliment de son talent, le repos de ses travaux, la consolation de ses malheurs. Il avait compris que, si l’on veut arriver à la véritable supériorité, on doit dominer ses fonctions et non sy absorber ; il sentait que le culte des lettres est, pour le magistrat et le fonctionnaire, le moyen le plus efficace de maintenir leur esprit calme et libre au-dessus des intérêts de l'heure présente et de ménager à leur âme, au milieu des préoccupations de chaque jour, un asile sacré où elle se retrempe et se purifie dans la contemplation de l’idéal. L'exemple de l’ancienne magistrature le lui avait appris, et il en conserva pieusement la tradition. Nous retrouvons en lui comme la lointaine image de ces illustres magistrats du xvif et du xvrr° siècles, qui, au jour de l’épreuve, grandissaient encore par la dignité de leur attitude, et, retirés dans leur maison des. champs, consacraient à la religion et aux lettres les dernières années d’une existence austère et respectée; il est de la famille des L’Hôpital, des Lamoignon, des Molé, des Daguesseau et de ce président Séguier, sous les traits de qui il s’est peint lui-même. C’est la gloire des anciens Parlements et de la vieille France d’avoir formé ces nobles esprits, ces énergiques caractères, qui portaient sans faiblir le poids des années et de la disgrâce. Dans un pays voisin de la France, où la longue pratique du gouvernement parlementaire supplée à la faiblesse des institutions, quel spectacle

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