Portalis : sa vie, et ses oeuvres

370 PORTULIS

en plus rares. Elles seraient pourtant, aujourd’hui, plus nécessaires que jamais. L'Europe veut la liberté, et nul ne saurait lui reprocher cette généreuse passion; mais qu’elle se garde d'oublier que, si elle a le droit de la posséder, elle a d’abord le devoir de la mériter. Or, les conditions de la vraie liberté sont la pureté des mœurs, la fermeté des convictions, la vigueur des caractères. On l’a dit souvent, la liberté, pas plus que le pouvoir, n’est une tente dressée pour le repos : elle est un bienfait inappréciable, mais elle constitue aussi le plus sérieux des devoirs, puisqu'avant de s'élever à la dignité d’homme libre, il faut avoir établi en soi-même le règne de la justice et de la vérité.

Là se trouve aujourd’hui, pour l’Europe, la vraie question politique. Chercher, comme on l’a fait longtemps, l'unique secret de la puissance d’un État dans certaines combinaisons d'équilibre territorial ou dans le jeu de tel ou tel rouage constitutionnel, c’est commettre une grave erreur. L’exemple de plus d’une grande monarchie prouve que l’étendue du territoire n’est pas, par elle-même et à elle seule, une source de force ; et l’histoire contemporaine démontre que les institutions, sans les mœurs, ne sont pas une garantie de vitalité. Non; le sort des peuples ne dépend pas, grâces à Dieu, de quelques lignes d’une Charte ou de l'acquisition de quelques provinces : sans révolte et sans guerre, chaque nation porte en elle-même, comme

.chaque citoyen, matière à réforme et à conquête; chaque peuple possède en lui l’élément de sa puissance et le secret de sa liberté. L'amélioration des mœurs