Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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aux autres par des pactes fédératifs, et où la France avait été

- couverte de camps de douze, de vingt et trente mille hommes. L'assemblée décréta une fédération générale à Paris, par des députations de tous les citoyens soldats, ainsi que des troupes de ligne. Elle en fixa le jour au 14 juillet, jour de la prise de la Bastille, et duquel la nation a daté l’ère nouvelle de la liberté. Le champ de Mars , à jamais fameux par le rassemhlement des troupes qui, l'année précédente, avaient menacé la capitale, était le lieu du rendez-vous, comme afin de purifier par l’encens brûlé à l'honneur de la liberté une plainesouillée par les vertiges du despotisme. Elle porte aujourd’hui lenom de Champ de la fédération.

Ce champ, qui a quatre cents toises de long, et une largeur proportionnée, borné à droite et à gauche d’arbres élevés , a pour perspective l’école militaire. C’est là que sur un vaste échafaud devaient être placés l'assemblée nationale et le roi, pour que tous les spectateurs fussent témoins du serment qu’ils feraient de maintenir la constitution. On concut la grande idée de faire asseoir dans le pourtour quatre cents mille spectateurs que devait attirer cette auguste cérémonie. I fallait enlever plusieurs pieds de terre de la surface et la voiturer sur les bords pour y former des gradins. Douze mille ouvriers dépourvus d'autre travail y étaient employés; mais ce travail mercenaire n’avançait pas, et il était immense. Les Parisiens craignirent que le champ ne fut pas prêt pour le 14 juillet, et la commémoration de cette époque leur était chère. Ce fut alors qu’on vit un de ces traits qui caractérisent à-lafois et la passion de la liberté et la vivacité de la nation francaise. Les citoyens se chargèrent eux-mêmes de l’ouvrage. On vit sortir successivement de tous les quartiers de cette ville immense les habitans marchant deux à deux, chargés de pelles et de béches, et animés par une musique dont les airs leur rappelaient la passion de la liberté, et leur promettaient la victoire sur ses ennemis. Leurs femmes et leurs filles les accompagnent. Des prêtres et des religieux marchent avec eux. Les ouvriers, les artistes de diverses professions prennent plaisir à se réunir, précédés d’enseignes diverses qui toutes exprimaient leur patriotisme. Bientôt la terre remuée par des mains généreuses et libres fut transportée pour les gradins, où servit à élever dans le centre l'autel majestueux de la patrie. On voyait avec attendrissement des femmes délicates traîner la brouette, ou manier la pelle. Les mères,en faisanttravailler leurs enfans, leur disaient : Mon fils, tu diras un jour aux tiens que tes mains ont contribué à élever l’autel de la patrie. Emus de ce spectacle, les fédérés, déjà arrivés des provinces, Joignent leurs bras vigoureux à ceux de cette multitude. Dans peu de