Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 77

Ces deux marches si opposées de l'assemblée nationale et de ses ennemis ne pouvaient manquer d’avoir un inégal succès : on devait juger de quel côté serait l'avantage, de ceux qui voulaient donner à l'empire qui la demandait une constitution vigoureuse et libre, ou de ceux qui ne s’occupaient qu’à l’arréter ou à la détruire. *

Un décret particulier irrita la fureur des privilégiés, plus qu'aucun de ceux qui jusque là avaient été rendus ; et cependant il n’exigeait le sacrifice que de quelques frivolités indignes des citoyens d’un état libre : c’est le décret contre les titres, les armoiries et les livrées. I] fut proposé et appuyé par des députés patriotes de l’ordre autrefois existant de la noblesse : la Suppression des armoiries et des titres était une conséquence de l'abolition de la noblesse, de la féodalité et des priviléges, car le blason et les armoiries particulières aux nobles étaient le signe de l'autorité féodale et les livrées étaient la copie de leurs couleurs ; et quant aux titres, ils appartenaient ou à la noblesse qui n’existait plus , ou à la vanité, ennemie irréconciliable de l'égalité, et qui, par conséquent , devait être abolie par les lois afin de l'être par les mœurs. ;

De ce jour, la plupart des nobles du royaumese montrèrent ennemis irréconciliables de la constitution ; l’on a même répété souvent que ce décret les avait décidés à provoquer la guerre civile et à mourir sur les ruines de la France plutôt que de renoncer à l'honneur. À l'honneur! étonnant et mémorable exemple de la frivolité de l’espèce humaine, et de empire des préjugés ! Mais cette fureur même a justifié le décret; elle a prouvé que la noblesse ne tenait si fort aux signes extérieurs de son ancienne Puissance, que parce qu’elle ne croyait pas l’avoir perdue, ou qu’elle espérait delarecouvrer. Plusieurs de ceux qui ont approuvé cette loi, ont blâmé l’assemblée nationale de l'avoir portée trop tôt, et dans un temps où toutes les conspirations étaient allumées et toutes les couronnes de l’Europe sollicitées contre nous. Mais, si l’on ne considère que les circonstances » On peut observer aussi que c'était le moment où la France avait le plus d'énergie pour faire échouer les conjurations contre sa liberté.

En effet, elle avait des forces immenses, siles forces d’un empire consistent dans le courage et le dévouement des citoyens, Le mépris qu’on affectait pour ses milices nel’étonnait pas, car les Perses méprisèrent aussi les Grecs , les Espagnols méprisèrent les Hollandais , et la Bourgogne et l'Autriche regardèrent les Suisses avec dédain : mais la France a dans son sein huit cents mille hommes qui ont porté les armes, ettout le reste était décidé à vivre libre ou mourir.

C'était le moment où tous les citoyens s’étaient liés les uns