Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

LIVRE CINQUIÈME.

Uxdes grands bienfaits de la révolution qui venait de s’opérer en France était de rendre au peuple une existence civile et politique, qu'il avait perdue depuis tant de siècles , et dont il est privé sous la plus grande partie des gouvernemens. On a dit trop long-temps que le peuple est fait pour être gouverné par un sceptre de fer; qu’il est incapable de connaître ses véritables intérêts ; que la grossièreté de son éducation et de ses travaux ne pérmet pas qu'il s’occupe de la chose publique; et qu'il faut que le soin de le conduire soit confié à des hommes d’une classe supérieure, qui connaissent ses intérêts mieux que lui-même. Dans la révolution de France on a appuyé ces sophismes de l'exemple. Les violences auxquelles le peuple s’est porté en divers lieux, non-seulement contre ses oppresseurs, mais même quelquefois contre des hommes innocens et qui ne lui avaient jamais fait directement de mal, ont servi d’argument pour prouver qu'il devait être éloigné de toute influence dans l'administration de la chose publique.

Mais, outre qu'il est barbare de tirer avantage de lignorance d’un peuple que le gouvernement même sous lequel il vivait rendait ignorant, d’une grossièreté, fruit de la politique

ui consistait à l’abrutir, et des vices de la servitude, dont il faut le plaindre et non le blâmer, puisqu'on la lui avait donnée malgré la nature qui y répugne, il est aisé de voir que les maitres des hommes ne tiennent ce langage que parce qu’ils aiment l'autorité. ,

D'ailleurs rien ne peut justifier la violation des droits des sociétés et l’injure universelle faite aux hommes, lorsqu’un ou plusieurs d’entre eux prétendent avoir le droit de les gouverner, et de propager de père en fils leur tyrannie. Le contrat social qui d’abord les avait tous réunis comme des égaux, ne conférait à aucun d’eux le gouvernement exclusif de tous les autres. La chose publique était la chose de tous; et les lois n'étant, après tout, que des conventions, il est évident que les intéressés doivent tous y participer. Etquand on prétend qu'un seul connaît mieux qu'eux ce qui leur convient, c’est avancer une imposture que démentent presque toutes les histoires des rois. Combien qui n’ont songé qu’à jouir, qu’à satisfaire leurs passions, qu’à grossir leurs revenus et accroître leur puissance, qu’à sacrifier leurs sujets pour agrandir leur territoire, et à faire couler le sang de leurs voisins et de leurs peuples pour obtenir le titre menteur de grands! Si les sujets eussent été consultés, auraient-ils voulu être gouvernés ginsi ?

Le bon sens et l'expérience s'accordent à prouver que, lors-