Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3, S. 234
LECISLATIVE. 193
grace, sans aménité, d’une figure commune et sinistre. Avec une déclamation monotone, une élocution verbeuse et traînante, il voulait jouer l'enthousiasme, et n’inspirait jamais que l'ennui. Lorsqu'il était atroce, et il le fut toujours plus ou moins dans chacun des discours qu’il prononca, ce n’était point l'horreur, c'était la fatigue qu'il faisait éprouver. En croissant en
uissance, il fit quelques progrès en talens ; son ame avait une étendue de forces extraordinaire pour haïr et pour dissimuler.
Robespierre frémit à l’aspect des rivaux qui se présentaient comme les adversaires du trône, et qui allaient le replacer dans un rôle secondaire. Il s’attacha à détruire par des soupcons et des calomnies, leur popularité nouvelle. Il s’opposa à la plupart de leurs vues. S’il les secondait quelquefois, c'était pour leur ravir tout le prix de leurs efforts. Il affectait un chagrin concentré , il voyait des perfidies dans la cour et dans ceux qui, suivant lui, feignaient seulement de l'attaquer. La vérité est que les passions jalouses de ce démagogue, retardèrent la révolution nouvelle, et contribuèrent beaucoup à ses suites atroces.
À cette époque, il paraïssait fortement uni avec Danton, homme éminemment doué de tous les genres de talens, qui n’ont de valeur que par le crime , et au milieu des désastres publics. Violent et artificieux , trompant tous ses ennemis, trompé par ceux qu’il regardait comme ses amis les plus dévoués, il conservait encore quelques mouvemens de sensibilité, même au milieu d’une cruauté réfléchie. Personne n’eut autant que lui d'invention et de fécondité de moyens, dans tout ce qui tendait à détruire. Dans des jours où la révolution était encore environnée des illusions de la philantropie, Danton mürissait dans sa tête, préparait, annonçait déjà ce Système révolutionnaire, que nous avons vu s'établir, et dont toutes les bases lui appartiennent. Il avait même, au milieu desjacobins, une légion qui lui était particulièrement dévouée, celle des Cordeliers. On ne pouvait ni l’entendre, ni le voir sans frémir. Un maintien terrible, et une voix rugissante appuyaient son éloquence sauvage et gigantesque. Danton était cupide et vénal. Les factions les plus opposées cherchèrent à s’en emparer. À l’époque dont je parle, la cour l’acheta, il se servit des présens de la cour pour la perdre. Robespierre le subjugua toujours, il n’était alors que son second. Il servait en même temps la faction d'Orléans.
Ce serait entrer dans une digression longue et peu utile, que de discuter ici l'influence tant exagérée, et tant contestée de la faction d'Orléans sur la révolution. Dans un moment où la destinée, seule, tint souvent la place des hommes, il est absurde d’attacher tous les faits à un homme timide et méprisé, quias=