Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3, S. 260
LÉGISLATIVE. 227
chambeau, Luckner et Lafayette, où Narbonne censurait la conduite de M. Delessart, et annonçait l'intention de se reti= rer du ministère. +
Le roi Int cette lettre, et destitua Narbonne. Ce fut le 10 mars, que l'assemblée apprit cette nouvelle. La plus grande partie des députés constitutionnels arriva transportée d'indigvation contre la cour. Ramo»d, orateur éloquent et ami de Lafayette s’éleva le premier contre une destitution, qu’il annoncait comme un malheur public. Il demanda qu'on em ployàt, pour Narbonne, Ja formule par laquelle l’assemblée constituante, avant le 14 juillet, avait signalé ses douleurs et ses craintes, lors de la disgrace de M. Necker. Cette formule consistait à déclarer que le ministre emportait les regrets de la nation. Le parti de la Gironde feignit de recevoir, avecenthousiasme, la proposition de Ramond, toutefois sans se presser de faire rendre ce décret. Mais bientôt éclata une scène terri< ble, qu’on doit regarder comme le prélude de la grande catastrophe qui renversa le trône. Brissot profita de tous les avantages que lui fournissait la disposition actuelle des esprits. Il oublia Narbonne, et ne s’occupa plus que de Delessart. Il articula contre lui différens chefs d'accusation, dont le principal portait sur la note confidentielle du prince de Kauuitz. Le discours de Brissot, quoique prononcé dans une circonstance propre à en augmenter l'effet, n'avait point assez de véhémence pour entrainer les esprits. Les orateurs qui lui succédèrent, s’adressèrent plus directement auxpassions de l'assemblée. Tout ce qu’elle avait entendu , avec défaveur, d’accusations emportées contre Delessart, fut reproduit avec succès. Déconcertés parune attaque imprévue et violente, lesconstit{tionnels appeJaient en vain une discussion réfléchie. En vain Dumas. Vaublane et Jaucourt défendaient l’accusé, et cherchaient à faire rougir l'assemblée des fureurs dontelle était transportée au rroment où elle allaitremplirles fonctionsdejury; le tumulte allait toujours croissant. « Hâtez-vous de rendre le décret d’accusa» tion, s’écria un député , Delessart fuit peut: être dans cemo» ment, » Ce député était le même qui. quelques jours aüparavant, en parlant de la responsabilité des ministres, avait dit: « Cette responsabilité, c'est la mort: » et qui, en même temps, avait suspendu son bras, sur la tête du malheureux Delessart, placé au-dessous de la tribune. Guadet frappa l’assemblée détonnement, en demandant la parole pour le ministre ; voici l’atroce ironie qu'il employa: «C’est pour l’'hon» neur, c'est pour l'intérêt même de M. Delessart, que je de» mande contre lui le décret d'accusation. Toutes les préven» tions s'élèvent contre lui ; la France entière le soapconne, 2 un jugement peut seul faire éclater son innocence. x