Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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en faveur des protestans, qu’il avait demandé lui-même dix ans auparavant, et qu’il ne voulait plus parce qu’il était porté par M. de Lamoignon; et que pourtant il enregistra. La cour lui redonna du crédit. Les projets brusques de M. de Lamoïgnon et l’idée extravagante de la cour plénière en furent la cause. De grands mouvemensse faisaient à l'approche du mois de mai 1788 : les édits devaient être présentés à tous les parlemens du royaume le même jour, pour éviterleur coalition : un appareil de force se préparait, et chacun attendait quelque grand événement. On le prévoyait en partie. Les projets et la haïîne de M. de Lamoignon étaient connus. Le parlement avaitfait des remontrances inutiles ; il s'agissait moins de deyiner le projet que de le savoir en effet. M. d’Eprémesnil y parvint : ilpayachèrementune épreuve desédits qu’on imprimait, divulgua le secret, échauffa le parlement, et fit lier les pairs et les parlemens du royaume par le serment de ne pas recevoir ces édits. C’est alors qu’il fut condamné avec un de ses collègues à un exil jugé si glorieux. Le temple de la justice fut violé par la force armée, et deux mille hommes furent employés pour enlever deux magistratsà la vue du peupleindigné.

Ces dispositions n’étaient pas propres à faire accueillir la cour plénière et les bailliages. Ces deux projets périrent l’un par l’autre : le premier fut couvert du mépris public ; le second trouva une ligue puissante dans toute la robe ; en sorte que tout se réunit contre les deux ministres. Les esprits s’élevèrent en proportion de l’humiliation qu’on leur avait préparée. Ces grands outrages faits à la justice et au bon sens parurent à la nation un outrage fait à elle-même.Onavaitpeine à comprendre comment le gouvernement pouvait ainsise jouer sans pudeur de l'opinion publique et se mettre au-dessus des jugemens de tout un peuple.

Mais ce n’était nullement du peuple qu’on s’occupait. Nous avons vu que tous ceux qui ont joué desscènes aussi violentes etaussi indécentes ne cherchaient qu’à maintenir ou accroître leur pouvoir. On ne parlait plus des états-généraux que pour en différer la convocation, et cependant on en éprouvait tous les jours davantage la nécessité. Le gouvernement, sans argent, n’avait plus même le courage de penser à en demander. Les ministres, en prostituant l'autorité royale à leurs querelles, l'avaient en quelque manière anéantie, puisqu'ils l’avaient avilie; et le roi, qui voulait le bien et qui croyait le faire, était condamné à ne servir que les passions de sa cour.

Cefutalors quelepremier ministre, sans argent,sansmoyens, sans crédit, ne faisant rien etne pensant rien, abandonnal'autorité qui l'avait abandonné. Il se retira; et le second de ses