Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 53

gaient sur les habitans des campagnes ; sur-tout, dans cet enthousiasme universel, ce fut un grand et touchant espoir pour la régénération uniforme de l'empire, que de voir les députés des pays d'états et ceux de plusieurs villes privilégiées venir, tour-à-tour et ayec un empressement patriotique , offrir le sa_crifice de leurs droits antiques et de leurs chartes, couvrir les degrés du bureau , et proclamer leur vœu qu'il n’y eût plus de provinces, mais une seule nation , une seule famille, un seul empire.

Il semblait qu'en une nuit la France allait être régénérée : tant il est vrai que le bonheur du peuple est facile à faire quand ceux qui le gouvernent s’occupent moins d'eux-mêmes que de lui! L'assemblée, étonnée du spectacle qu’elle se donnait à elle-même, et touchée des bienfaits qu’elle venaitde répandre sur la nation, décréta qu’une médaille serait frappée pour conserver la mémoire de cette nuit. Elle déféra au roi le titre de restaurateur de la liberté francaise , décréta qu’une députation lui en présenterait l'hommage, et le prierait d'assister à un 7e deum solennel. :

L'assemblée nationale semblait avoir réparé en un jour les lenteurs auxquelles elle avait été forcée par les crises terribles de l’état. Mais, durant ce temps, l’état éprouvait une crise nouvelle par les besoins d’argent et par le désordre où était le royaume. M. Necker proposa à l'assemblée un emprunt de trente millions à cinq pour cent, sans retenue. L'assemblée, en ne donnant aucune caution à cet emprunt,en ne fixantaucuntermeauremboursement , et en réduisant l'intérêt à quatre et demi, présuma trop du crédit national et du patriotisme des gens riches : l'emprunt échoua. Onignores’ilauraitréussi comme le proposait M. Necker ; mais le tort évident fut pour l’assemblée, et M. Necker ne manqua pas de le lui reprocher. Aussi, lorsque ce ministre proposa ensuiteun nouvelemprunt de quatre-vingts millions, qui ne donnaient qu’un secours de quarante, l'assemblée le vota sans examen ; mais il ne réussit pas davantage; et l’assemblée nationale en porta encore tout le tort.

Les sacrifices du 4 août, faits avec tant d’empressement par les députés mêmes de la noblesse et du clergé, furent mal recus par les nobles et par les gens d’église. Dans les provinces sur-tout la domination féodale était d'autant plus agréable à Ja plupart de ceux qui en jouissaient, qu’ils étaient des parvenus et que leur noblesse était récemment achetée. C’est dans les petites villes principalement qu’on cherche d’autant plus à avoir des inférieurs, qu’on est plus près de ses égaux : c’est une des cent mille maladies de l'humanité. Le parti aristocratique se renforca doncnaturellement de tous ceux quivoyaient