Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

LIVRE QUATRIÈME.

Le France était comme un vaste chaos dans lequel tous les élémens de l'ordre subsistent encore et n’attendent que la main du créateur. Les pouvoirs étaient suspendus, es autorités méconnues, et les débris de la féodalité ajoutaient encore à ce monceau de décombres. Tout faisait craindre que le royaume ne fût en proie à l’anarchie; et si e’était la crainte des bons citoyens, c'était l'espoir de ceux qui ne se lassaient pas d'espérer de ramener le despotisme. Mais un peuple qui a vieilliglans l'habitude de l’ordre en sent le besoin et ne peut plus s’en passer. Les propriétaires étaient tous armés, et ce fut le salut de la France: car cette classe d'hommes qui n’a rien à perdre et tout à gagner dans le désordre des révolutions, ne pouvait se rassembler nulle part, dans la crainte d’être réprimée. Les armes devinrent la passion d'un peuple naturellement guerrier. Paris leur donnait un grand éclat par l'ordre et la beauté de ses milices nationales; et cette émulation se répandant par-tout, la France était couverte de trois millions d'hommes revétus de l’uniforme de la nation. Tous ces hommes devinrent les protecteurs des propriétés et la véritable force publique ; et quoïqu’en plusieurs lieux ils aient causé eux-mêmes des désordres partiels ; quoiqu’en d’autres les mécontens les aient employés pour arrêter la révolution, la totalité des gardes nationales forma dans le royaume une telle masse de résistance, que la France en fut sauvée. C'était la nation qui protégeait la nation, et cette grande force était aussi une grande sagesse.

Au même temps le zèle du bien public amena dans chaque municipalité des hommes disposés à sacrifier leur temps et leurs veilles à maintenir l’ordre et la tranquillité dans les villes et dans les campagnes. Ces deux forces réunies ont agi constamment par-tout, tandis que l'assemblée nationale élevait insensiblement le nouvel édifice de la législation. Chacun soutenait l’ancienne maison en attendant que la nouvelle fût bâtie.

L'assemblée, délivrée pour quelque temps de la crainte des grands mouvemens par lesquels on avait tenté de tout bouleverser, s’occupa de la constitution. Elle arréta la déclaration des droits, comme dans les fondemens d’un édifice on dépose les titres du fondateur, et fixa les principes de la monarchie tels qu'ils étaient demandés par tous les cahiers, et tels qu'ils conviennent à un pays qui renferme