Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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conduits par un chef victorieux. Aux yeux des militaires, le plan de la bataille de Nervinde a ‘paru supérieur à la brillante témérité de celle de Jemmappes ; les obstacles qu’il avait à combattre étaient bien supérieurs : il venait de rallier une armée qui, depuis plus de quinze jours, fuyait dans le plus honteux désordre ; il combattait l'élite des forces de l’Autriche , la plus redoutable cavalerie, avec laquelle la sienne pouvait à peine se mesurer, un général qui remplissait ses soldats du souvenir d'une gloire déjà acquise , et qui avait sous lui l’habile Clairfait. Dumouriez et ses lieutenans les plus affidés firent tous des prodiges de valeur.

La perte de cette bataille entraîna, pour les Français, la perte de la Belgique. Cependant, soit qu’il restât encore à Dumouriez quelque espoir de la conserver , soit qu’il voulüt se rendre redoutable à l'ennemi, même danssaretraite, ilsoutint un combat meurtrier sur la montagne de Fer de Louvain ; il y perdit plus d'hommes encore qu’à la bataille de Nervinde , et sans pouvoir balancer le succès. Un spectacle horrible afiligeait continuellement ses yeux, c'était celui des vengeances

u’exercaient les Belges sur les conquérans fugitifs. De part et d’autre ce furent les adieux d’une haîne cruelle.

À mesure que Dumouriezse rapprochaït de la France, ilse sentait plus près des coups de ses ennemis. Humilié, menacé jusque dans ses victoires, vaincu, que pouvait-il attendre? Il concoit encore de vastes projets; mais, dans l’état actuel de sa fortune, il wa, pour les remplir, que des moyens coupables. Tandis qu’il fuit devant le prince de Cobourg, il négocie avec lui ; il a déjà eu plusieurs entrevues avec le général autrichien Mack. Il est obligé de souscrire à des conditions qui vont lui faire donner le nom de traître : mais il espère tout sauver par la vigueur de ses résolutions. Il ne prépare rien ; il précipite tout : il veut que laconvention le craigne , avant de s’êtreassuré des dispositions deson armée, et des’être emparé d'aucune forteresse. Il dit à tout ce qui l’entoure : Jemarcherai sur Paris, comme, quelques mois auparavant, il disait, avec une confiance militaire mieux fondée, je prendrai Bruxelles. | s'ouvre à ses amis, à ses ennemis, avec la même pétulence.

Il avait encore à la convention ledoubleappuides girondins et du parti de Danton; cependant les premiers commencaient à prendre quelque ombrage de leur protecteur. Le ministre Lebrunavait envoyé versluitroisjacobins aventuriers, choisis dans ce que cette société avait d'hommesles plus décriés : ils se nommaient Proly, Pereira, Dubuisson ; leur mission était de connaître les intentions du général : et sûrement on devait en

attendre un médiocre succès ; car quelle apparence qu’il allât