Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

NATIONALE. of

J'ai entendu plusieurs fois raconter et affirmer le trait de perfidie qu’on vient de lire. Je n’ai pas acquis une entière certitude sur le nom de son auteur. Je crains de calomnier même un scélérat.

Lebrun, ministre des affaires étrangères, fut condamné par le tribunal révolutionnaire , comme ami de Brissot, Clavière, ministre des contributions, allait l'être au même titre. Il prévint son sort. Dans la prison, il se perça le cœur

‘avec un couteau. Sa femme, peu de jours après, imita son mari : elle se donna la mort.

Roland avait fui. Sa sûreté même lui prescrivait de marcher seul. Mme Roland était restée à Paris; elle fut arrêtées Du fond de sa prison, en face de la mort, elle jeta un dernier regard sur la vie qu’elle avait parcourue. Dans l’espace de quelques mois, elle écrivit ses mémoires : monument de la force de son ame et des grâces de son esprit. Elle voulut préparer un supplice aux bourreaux de ses amis, en les peignant eux et leurs adversaires. Elle fit plus; elle osa revenir sur ses années paisibles et heureuses. Elle osa s’environner des plus douces réminiscences de sa vie, et les retracer avec sérénité, avec fraîcheur, et presque sans regret. La mort ne Jui paraissait plus que délivrance et que gloire, Elle prononça devant le tribunal révolutionnaire une défense qu'on peut regarder comme l’une des plus éloquentes imprécations contre ce règne odieux. Elle se garda bien d'affaiblir l'énergie de ses menaces par un vain emportement. Charlotte Corday ne fut pas plus magnanime que Mme Roland dans le moment suprême. Celle-ci avait pour compagnon de son supplice un homme recommandable, qui montrait quelque affaissement. Elle s'occupait àranimer son courage, Ci même à faire naîtreun sourire sur ses lèvres. Elle ent la générosité de renoncer pour Ani à la faveur qui lui avait été accordée de monter la première à l'échafaud. L'homme à qui elle s'était adressée avait refusé d'abord. Pouvez-vous , lui dit-elle avec gaîté, refuser à une femme sa dernière requête ? Elle J'obtint. En voyant une colossale et effrayante statue de la liberté placée près de l'instrument de mort, elle s’écria : O liberté, que de crimes on commet en ton nom ! Peu de jours après, on tronya sur la route de Rouen à Paris le corps sanglant du mari de cette femme courageuse. Eile avait prédit qu’il ne lui survivrait pas.

C'était à Bordeaux que s'étaient réfugiés la plupart des députés proscrits. Mais cette ville fut bientôt obligée de se soumettre aux lois de la montagne. Elle fut le tombeau de plusieurs députés, et d'abord de Grangeneuve, de Birotteau et de Cussi, qui furent reconnus sous des déguisemens. L'amitié fraternelle veilla trop inutilement sur Guadet et

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