Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

102 CONVENTION

sur ses amis, Sa sœur, Mme Bouquey , parvint, avec beau+ coup de difficulté, à les conduire dans une carrière qu’elle possédait à quelques lieues de Bordeaux. Elle leur trouva un‘refuge dans un souterrain spacieux, qui devint pour eux une habitation supportable. Ils y vivaient depuis plusieurs mois. Chacun d’eux avait trouvé une sœur dans celle de Guadet. C'était elle, le plus souvent, qui venait leur apporter des alimens, procurés avec la plus grande peine ; une cruelle disette affligeait Bordeaux et ses environs. Que de soins, que de précautions pour dérober leur retraite à une multitude d'ouvriers !... L'histoire ne peut rendre ces détails intéressans, qui font supporter le tableau du malheur par l’image de ce qui peut l’adoucir. Mme Bouquey fat découverte , et arrêtée avec son mari, avec son frère, avec le député Salles. La mort de ces députés, pour qu’on la rendit mille fois plus cruelle, fut accompagnée de celle de leur bienfaitrice. Pétion et Barbaroux avaient pu s’échapper; mais ils ne cherchèrent pas, ou ils ne purent trouver un nouvel asile. Le cadavre du premier fut trouvé déchiré par les loups. Il restait à Barbaroux un souflle de vie, dont les bourreaux profitèrent,

Louvet avait long-temps partagé ce funeste asile. Il en était sorti avant le cruel événement que je viens de rapporter. Il a tracé le tableau le plus intéressant des aventures de sa proscription. On y voit par quelle intrépidité, par quels traits de présence d'esprit sa femme parvint à lui sauver la vie. -

Le député Bresson dut le même bonheur à une cause aussi chère. On en pourrait dire autant de presque tous ceux qui, poursuivis par cette tyrannie, purent lui survivre.

Voici quelle fut la fin de Condorcet, qui avait rempli l’Europe savante de sa renommée. Caché à Paris, il fut forcé de quitter sa retraite. Il erra dans les environs de cette ville, craignant de frapper à la porte de ces maisons de campagne jadis si agréables, et dont les propriétaires étaient arrêtés ou allaient l'être ; y recevant quelques alimens, et fayant bientôt. La faim le fit entrer dans une auberge. Son air sombre et délaissé, ses vêtemens déchirés , la longueur de sa barbe , décelèrent en lui un proscrit. On reconnaissait alors les proscrits au même signe qu'auparavant les brigands. On vint l'arrêter. Il eut le temps d’avaler un poison subtil, qui lui donna la mort la plus prompte.

Ainsi, par les supplices et par les suicides, périrent la plupart des girondins. Avant qu’ils parussent sur la scène politique, le parti des amis sincères de l’ordre et de la liberté luttait, ou pouvait lutter ayec avantage contre deux