Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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désespoir de plusieurs hommes indignés qui étaient accourus pour jouir de son supplice. Jamais on ne dut mieux sentir combien est terrible pour la société la doctrine de l’anéantissement de l’ame , puisqu'elle fait la paix du scélérat,

La faux du tribunal assassin semblait s'être égarée en tombant sur une tête coupable. Il continua dans une effrayante progression le cours de ses meurtres : le premier maire de Paris, Bailly, fut immolé. C'était la scène du Champ-de-Mars que les jacobins vengeaient sur lui. Il sa vait à quelle haïîne il était en butte. Il répétait souvent dans sa prison : is changeront pour moi le supplice. Il avait paru trois fois au tribunal révolutionnaire. Au sortir de la seconde séance, il dit à ses compagnons d’infortune qui se pressaient autour de lui : Le petit bon-homme vit encore j mot emprunté d’un jeu du jeune âge. Les jacobins vinrent demander à la convention que le lieu de son supplice fût le Champ-de-Mars, et la convention le décréta. Ge ne fut point assez pour les jacobins que ce raffinement de barbarie. Le malheureux Baïlly était arrivé, après un voyage de deux heures, au lieu de l'exécution. Les jacobins , et sur-tout les femmes, qui les excitaient encore, voulurent prolonger son agonie. Ils s’écrièrent que le Champ-de-Mars serait souillé du sang de Bailly. l fallut disposer l’échafaud auprès de la rivière. Le temps était affreux , et ajoutait à la longueur de ces apprêts. Un des bourreaux (car tous les spectateurs l’étaient devenus) s’approche de lui, et lui dit : Tu trembles, Bailly. — Mon ami, c'est de froid, lui répondit le sage.

Parmi les nombreux condamnés de cette époque furent lex-ministre Duport-Dutertre et Barnave, dignes l’un et l’autre des regreis de leur patrie, puisqu'ils s'étaient dévoués pour la préserver d’une seconde révolution, mille fois plus fatale que la première. Barnave avait été, à vingtcinq ans, l’un des orateurs qui s’étaient le plus distingués dans l’assemblée constituante, par l’étonnante facilité et la justesse de son élocution. Son talent s'était beaucoup fortifié à mesure qu'il s'était aperçu et de ses propres fautes et de celles de cette assemblée même. Jalouse, imprévoyante, ou follement désintéressée, elle condamna de tels orateurs au silence, de tels hommes à l’inaction : c'était les vouer à la mort. Robespierre, dont elle avait, en se séparant, suivi le perfide conseil, en recueillit les horribles fruits. [l vengea toutes les souffrances de sa médiocrité présomptueuse. Le premier emploi de ses satellites les plus affidés était de chercher dans tous les recoins de la France des membres de l'assemblée constituante. Plusieurs avaient fui. L’éloquent