Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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elle qui implorait les faibles graces d’où dépendaient les consolations de sa famille. à

Mais qui n’eût pas été ému en voyant Mme Elisabeth ? Elle n'avait jamais voulu abandonner le roi ; elle était le modèle de toutes fi vertus, lorsque la cour se livrait, avec une fatale imprévoyance, aux plaisirs, aux prodigalités. Dans toutesles journées où le roi et la reine avaient couru les plus grands dangers, elle était à leurs côtés. Nous l'avons vue, au 20 juin, détournant sur elle la fureur qui cherchait la reine, Son dévouement était de toutes les heures. Louis , fatigué de la terre, aspirait au ciel; et c’étaient les consolations, le secours du ciel qu'iltrouvait auprès de Mme Elisabeth. Deux enfans ajoutaient à l'intérêt douloureux de ce tableau. Mme Royale était dans sa quatorzième année. Sa figure était charmante, et annonçait tout-à-la-fois le sentiment profond de la condition présente de ses parens, et le souvenir profond aussi de leur condition première. Elle cherchait , par tout ce que le Cœur imagine, à adoucir leurs chagrins; mais sa vue et sa pensée étaient pour eux une source de larmes. Un jour, un commissaire de la commune.{ c’est lui-même qui en a fait le récit, et, le croirat-on ? avec l'accent de l'ironie ) aperçut sur les traits de Louis

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une altération subite; il lui en demanda le sujet. « Je viens de » penser, dit-il, que c’est aujourd’hi l’anniversaire de la nais» sance de ma fille! Quel jour! Ah! malheureuse enfant!

Son fils n’avait pas encore sept ans; il jouait autour de cette famille désolée, toujours prêt à suspendre ses jeux, s’ils formaient un contraste trop marqué avec les chagrins de ses parens. Si jeune encore, il ne les avait guère Vus que dans des jours d’affliction et de périls, La principale Occupation de Lonis était d’instruire son fils. Le soir ; lorsqu'on était près de se séparer, on l’écoutait, avecun profond recucillement, élever la prière de l'innocence à Dieu, et lui demander de cesser sa colère.

Si quelque chose adoucissait un moment le sort des prisonniers du Temple, il fallait le dissimuler avec soin. La commune s’irritait de ne les voir pas abattus sous le malheur. Quand elle ne pouvait exercer toutes les rigueurs, elle en faisait longtemps retentir la menace. À chaque instant, on venait leur dire : C’est pour la dernière fois qu'on vous permet de vivre ensemble; demain il faudra vous séparer. Cette Perspective fatale, plus que toute autre cruauté, jetait le trouble dans leurs ames. Les commissaires éprouvaient alors l'orgueil de se voir supplier, et le désespoir de se sentir attendris malgré eux. Ils firent un jour l'essai de cette Séparation, avant de la rendre définitive et presque éternelle. Les sanglots de la reine, de Mme Elisabeth et des deux enfans éclatèrent, Un des commis