Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

30 CONVENTION

Dumouriez n’était pas sans inquiétude sur sa position. I} jugea queses plus grands dangers lui venaient, non de Vienne, mais de Paris. Il partit pour cette dernière ville. Il espérait encore faire révoquer le décret qui ruinaït toutes ses espérances; mais un autre motif, une autre alarme pressait son départ. La convention s’occupait du procès du roi,

Je vais rapporter cet événement, qui a été tant de fois, et sous tant de formes, rappelé à l'attention publique, et sur lequel elle se montre toujours avide de nouveaux détails, de nouveaux éclaïrcissemens. Ils me sont peu permis par la marche rapide que je me suis prescrite. Je tâcherai du moins de caractériser ce que je ne puis développer. Je vais m’arrêter d’abord à peindre Louis et sa famille dans leur captivité. Nous avons vu, dans le livre précédent, comment la commune de Paris, toujours en usurpation sur la faible assemblée législative, s'était emparée du sort de Louis. Elle le faisait garder au Temple par des gardes nationaux qui faisaient alternativement le service de cette prison. La plupart déploraient le sort du roi; mais la délation veillait parmi eux, et ce n’était que dans le silence de la nuit qu’ils laissaient échapper quelques soupirs.

La commune appelait successivement ses différens commissaires à surveiller cette prison. Tous paraissaient se ressembler par la rudesse des formes, et se faire un devoir d’insulter à une telle infortune. Quelques-uns cependant avaient un cœur sensible à la pitié. Les prisonniers vivaient dans une continuelle alternative de légers adoucissemens et de rigueurs nouvelles. Il est encore mille nuances dans l'extrême malheur ; pour une famille qui souffre ensemble, il est encore mille faveurs à obtenir. Chaque jour amenait, outre tant d’alarmes pour un si horrible avenir, les sollicitudes particulières de ce jour. Jamais plus d'objets faits pour émouvoir n'avaient été présentés à des hommes farouches. Louis avait moins que la dignité du trône; mais il avait toute celle que donne une palience élevée. Beaucoup d'outrages prémédités expiraient à son aspect. Tout ce qui était imaginé pour exciter sa colère ne lui causait qu’une douleur sans abaissement. Marie-Antoinette avait contre elle la haîne prononcée du peuple; il était difficile aux ames les plus dures de conserver toute leur prévention en la voyant. Son maintien était imposant : sa figure, belle encore, frappait par un mélange de sensibilité et de fierté. À toute heure, dans sa prison , on la voyait occupée des devoirs qui lui restaient à remplir comme épouse, comme mère, et comme sœur. Elle veillaït avec un soin particulier à ne jamais trahir l’orgueil et les ressentimens qu’on lui supposait. C’étaitelle dont le coup-d’œil pénétrant démêlait quelque émotion parmi les commissaires, les geoliers, les gardes; c'était