Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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teur fidèle a tracée avec tant de naturel et d'intérêt des derniers momens de Louis, rien n’est plus touchant que la rapidité, le sang-froid même avec lequel il glisse sur le danger qui lui fut personnel.

C'était pour épouvanter cinq ou six girondins que leurs exé= crables rivaux avaient fait couler tant de sang au 2 septembre. Pour leur porter le coup de mort, ils résolurent la mort de Louis; et les girondins s’aperçurent trop peu des motifs secrets de leurs adversaires. Louisn’inspirait pas d'horreur même aux jacobins ; mais ils n’avaient pas besoin de haïr pour frapper. Îls avaient su démêler quelque chose de contraint et de timide dans la marche des girondins. Ils jngèrent que le sort de Louis les tenait incertains et presque divisés ; qu’ils exagéraient leur mépris pour un roi vaincu; que la pitié était entrée dans leurs ames, mais qu’ils n’oseraient jamais la déclarer.

La convention gardait encore le silence sur Louis; mais som supplice était demandé par toutes les voix des orateurs de clubs ou de groupes, que les jacobins appelaient la voix du peuple. Souvent, quand ils célébraient des triomphes rem portés sur la coalition, ils s'en applaudissaient à un autre titre. Ils se voyaient affranchis de la nécessité de respecter dans le roi un otage qu'ils avaient jugé nécessaire dans l’extrême péril. Ils faisaient aisément répéter aveceux par la multitude : « Périsse le tyran! » Aux yeux de la multitude, le malheur avilit, et elle ne connaît pas de pitié pour ce qu’elle croit mépriser.

Ce fat le ministre Roland qui, soit par imprudence, soit par fatalité, fit hâter le procès du roi. Il reçut la plus funeste confidence. Un serrurier vint lui déclarer que, peu de temps avant le ro août, Louis XVI l’avait fait appeler pour pratiquer derrière un mur une armoire de fer; que le mystère avec lequel on l'y avait fait travailler, et le profond secret qui lui avait été demandé , nelui permettaient pas de douter qu’elle ne fut destinée à cacher des papiers importans. Roland se félicita de ce que cet homme se fût adressé à lui dans sa terreur. Une telle découverte, livrée à un magistrat jocobin, eût produit nonseulement lestitres d'accusation de Louis, mais ceux de tous les hommes que cette faction voulait perdre. Roland se piquait de rigidité : on l’accusait de royalisme, à la vérité avec une impudente mauvaise foi; et peut-être, pourse justifier, il allait faire tomber la tête du roi. Il voulut remplir son devoir , et il le remplit mal. Il procéda à cette découverte , seul avec le serrurier ; il ne fit pas même appeler des commissaires de la convention, chargés d'examiner les différentes pièces trouvées au château. Il tira de l'armoire de fer devolumineuxcartons; illes envoya à la convention. Les jacobins recurent avec défiance ce don d’un ennemi, qui pourtant les favorisait. Leurs regards

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