Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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le roi, et lui dit d’un ton de voix ému et presque tremblant s « Louis, la nation française vous accuse; la convention natio» nale a décrété le 5 décembre, que vous seriez jugé par elle; » le 6 décembre, elle a décrété que vous seriez entendu au»’ jourd’hui à sa barre. Vous allez entendre la lecture de l'acte » énonciatif des faits, Louis, asseyez-vous. » Louis s’assied.

Alors commença cet interrogatoire, quine fut remarquable que parce que le descendant de tant de rois répondit, comme un accusé vulgaire , devant des juges dont il n’ose pas même récuser le tribunal. Louis montra de la sérénité dans sa contenance, de la précision, de la présence d’esprit dans sesréponses. Tout paraissait dégradantdanssasituation;rien nefutavilissant dans la manière dont il la soutint. Il semblait qu'on se fût fait un jeu par des questions , dès long-temps concertées, de provoquer en lui un ressentiment qui eût accéléré sa perte. Plusieurs de ses juges , avides de faire tomber la tête d’un roi, eussent voulu qu’il répondit en roi. Il s’étudia à distinguer dans les questions compliquées qui lui étaient faites les outrages qu'il laissaitsans réponse , et les faits sur lesquels il s’expliquait avec peu de détails, mais avec assez de clarté. Qu'on juge de ces questions par la véhémente apostrophe qui les précédait : Louis, le peuple francais vous accuse d'avoir commis une multitude de crimes pour rétablir votre & tyrannie en détruisant La liberté. Le détail de ces griefs était tellement présenté, que Louis se trouvait inculpé relativement aux événemens du 5 octobre... Et l’un des membres de la convention, Vun de ses juges , au nom desquéls le président l’interrogeait, était le due d'Orléans.

Dans cet interrogatoire, rien n’était présenté du ton du doute. Tous les faits étaient avancés comme positifs et prouvés;, on se contentait d’ajonter: Qu’avez-vous à répondre? Louis s’entendit dire plusieurs fois : « Vous avez fait couler lesangdu » peuple.» On le lui répéta encore à l’occasion du ro août. Il répondit avec beauconp d'émotion : Oh!non, monsieur , ce n’est pas moi! On l’accusait d’avoir distribué de argent, dans le faubourg Saint-Antoine , à de pauvres ouvriers, dans Vintention de Les attacher à sa cause ; il répondit : Je r’avais pas dè plus grand plaisir que de donner à ceux qui avaient besoin.

Les accusations les plus graves portaient sur des souvenirs que l’assemblée constituante avait abolis. Il semblait que la convention appelèt, dans ce même moment, cette assemblée à son tribunal. On rappelait la séance royale et tout ce qui avait précédé l'insurrection du 14 juillet; l'affaire de Nanci, däns laquelle l'assemblée constituante avait approuvé les moyens de répression employés à l’égard de soldais rebelles; le voyage de Varennes , seule faute de Louis, comme monar-