Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

38 CONVENTION

« dois le même service lorsque c’est une fonction que bien des « gens trouvent dangereuse. Si je connaissais un moyen pos« sible pour lui faire parvenir mes dispositions , je ne pren# drais pas la liberté de m'adresser à vous : j'ai pensé que, dans « la place que vous occupez, vous auriez plus de moyens que « personne pour lui faire passer cet avis.» 1

Cette lettre produisit sur la convention le même effet que si elle n’eût été composée que d'hommes justes etsensibles. À vant qu’on l’eût entendue, les jacobins s'étaient élevés avec fureur contre la proposition d'accorder un second conseil à Louis; ils demeurèrent sans voix, et le vœu de Malesherbes fut exaucé au milieu de l’atterdrissement universel.

Malesherbes quitta avec empressement une retraite où il jouissait encore de tout ce qu’en ces jours d’horreurson pouvait réunir de plus précieux. D’honorables souvenirs, des occupations actives et consolantes, puisqu'elles n'avaient plus que la nature pour objet; les témoignages du bien qu'il avait fait autour delui; enfinles soins d’une famille tendre semblaient protéger le repos de sa vieillesse : mais ce repos pouvait-il exister dans de tels momens pour une ame toujours capable d’indignation et de pitié ? À toutes les lumières de son siècle Malésherbes réunissait toutes les vertus, et sur-tout cette simplicité que l’on se plaît à rapporter aux âges antiques. Il avait signalé contre les derniers désordres du règne de Louis XV , et conire les coups d’autorité qui le terminèrent, l'opposition d’un magistrat élaquent, intrépide ; ami de Turgot, il avait contribué avec lui à ouvrir, sous les plus heureux augures, le règne suivant. L’un et l’autre avaient éprouvé les premiers tout ce que le cœur de Louis XVI avait de bienveillance; et tous deux aussi ils avaient fait le premieressai de tout ce que Son caractère avait de faiblesse,

Malesherbesse renditau Temple ; lescommissaires de la commune l’y reçurent avec soupcon ; on le soumit aux plus injurieuses recherches. Quand Louis le vit entrer, il ne put retenir ses larmes. Il courut se jeter dans les bras de ce premier guide de sa jeunesse, de ce digne ami de son malheur. Le vieillard ne pouvait exprimer que par des sanglots le respect, la douleur, la reconnaissancemêmedontilétait pénétré. Louis, inquiet au milieu de cette scène d'abandon, montrait à Malesherbes les cruels surveillans qui venaient les observer; il cherchait à se commander quelque apparence de calme, pour arracher Malesherbes à son trouble. Il savait que toutes les larmes qu’on versait pour lui étaient un crime. Ils s’entretin= rent à voix haute; Louis l’exigeait pour éviter tout soupcon. Le lendemain, Malesherbes revint au Temple avec un kemme bien digne d’être son second, Tronchet : l'un et l'autre eom-