Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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toutes les avenues de la salle; ils attendaient les députés au passage; ils applaudissaient ceux qui leur souriaient et qui portaient dans leurs regards la condamnation de Louis ; mais dès qu’ils reconnaissaient ceux qui avaient déjà parlé pour lui de clémence , ils les poursuivaient de gestes et de cris homicides : ou sa mort ou la tienne.

L'appel nominal se fit avec une extrême lenteur. Un grand nombre de députés motivaient leur opinion, et quelques-uns avec des discours assez étendus. Les voix se balançaïent entre la mort , le bannissement à la paix, et un sursis demandé avec différentes conditions. Celui des girondins auquel on entendit le premier prononcer La mort émut singulièrement les esprits. ÆEb quoi! disaient les jacobins, ils nous labandonnent après lavoir tant disputé ! Ils l’abandonnent! disaient d’autres députés; restons encore fidèles au vœu de notre conscience. Les girondins se divisèrent : Brissot vota le bannissement à la paix; Vergniaud vota la mort. É

L'appel nominal se continua durant tonte la nuit; les ténèbres ajoutaient au sinistre appareil de cette délibération; les. députés entraient et sortaient tumultueusement , poursuivis par mille cris, et plus encore par le trouble de leurs pensées. Ïls attendaient avec un mortel saisissement l'instant où leurs noms seraient appelés. Le besoin de prendre quelques alimens en amenaïent plusieurs dans un lieu voisin de la salle, qu’on appelait a Buvette. Ce poste, dans les grandes crises, était occupé de bonne heure par les jacobins ; ils apostrophaient cenx des députés qui semblaient encore indécis. Quelques-uns de ceux-ci, par la convulsion de leurs traits, le désordre de leurs discours, trahissaient leur agitation : on les voyait méditer, écrire leur vote, changer , effacer, et peut-être laisser tomber le mot fatal qui était auparavant loin de leur pensée.

On ne peut sans frémir rapporter plusieurs des votes émis du haut de la montagne. Qui pourra croire que celui-ci ait été proféré : Que le cadavre de Louis soit déchiré, distribué entre tous les départemens ! Et comment concevoir que Legendre, qui s’exprima avec une telle férocité, rendit à une autre époque d’importans services à l'humanité? D’autres cherchaient à donner à leur cruauté une expressionsaillante ; Barrère disait : L'arbre de la liberté ne peut croître qu'arrosé du sang des rois

On appelle Philippe Egalité. Il s’ayance vers la tribune : on Vécoute. L’inquictude est dans tous les regards ; ildit: « Fi» dèle à mes devoirs, et convaincu que tous ceux qui ont « attenté ou attenteront par la suite à la souveraineté dü peu« ple méritent la mort, je prononce la mort de Louis.» Un cri d’indignation s'élève de tous côtés , et Philippe d’Orléans, se retournant avec un sourire vers ses plus affreux co mplices n’y trouve encore qu’un murmure de réprobation.