Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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traite à dix mille fuyards. Ils sont poursuivis jusqu’à la mer : ils s’y précipitent ; ils y sont fusillés , mitraillés. Leurs vais seaux sont à deux lieues dans la rade d’Aboukir , et ne peuvent leur porter de secours. Leur désespoir féroce rend le carnage horrible. Le général Murat , qui s’est couvert de gloire dans cette journée , un grand nombre d’autres chefs valeureux sont blessés. Le pacha Mustapha se rend prisonnier avec son escorte. Il n’existe plus rien de l’armée turque , que douze: cents hommes qui défendent le fort d’Aboukir. Ils résistent encore pendant huit jours. Enfin, le 15 thermidor, ils capitulent et viennent embrasser les genoux du vainqueur.

Mais un tel triomphe, et tous ceux que promet encore lOrient, que font-ils au salut de la France, dont Suwarow et l’archiduc Charles menacent les frontières ? C’est assez avoir combattu de beys et de pachas, c’est contre les Russes et les Autrichiens qu’il faut marcher. Il faut rendre aux Français leur gloire et des lois. Un tel motif excuse la témérité. Bonaparte demande à sa fortune la faveur la plus signalée dont elle ait encore couronné ses entreprises. Ses dispositions sont pri ses ; c’est le général Kléber qui va lui succéder dans le commandement de l’armée d'Orient. Il s'embarque. . .. Une frégate française qui s'avance sur la Méditerranée, couverte de milliers de vaisseaux anglais, porte les destinées da la terre.

Voyons sous quel aspect la France s'offrira à Bonaparte. Occupons-nous sur-tout à peindre la situation intérieure de la république.

La journée du 30 prairial se distinguait de toutes les époques fameuses de la révolution par l’inconcevable facilité avee laquelle on avait détruit un pouvoir d@ñit la domination avait été plus longue , aussi crainte, et pourtant moins odieuse que celle du terrible comité de salut public, de Robespierre et de Billaud Varennes. Le résultat direct de cette journée paraissait être de subordonner enfin le directoire aux deux conseils. Ils avaient donné à Barras et à Sieyes trois collégues qui n'étaient ni disposés ni propres à faire revivre la dictature que le dix-huit fructidor avait établie. Ils avaient prisleursprécautions contre toute espèce d’empire , excepté contre celui des jacobins , c’est-à-dire, celui de la multitude. Les clubs se rouvrirent. Les jacobins y rentrèrent comme par droit de con quête. À Paris, ils prirent possession de la salle dite du HManége , où l'assemblée constituante avait eu ces débats animés par tant de passions, brillans de tant d’éloquence. Ce lieu était pour les jacobins un poste militaire. De-là, ils se flattaient de dominer aisément l’un des deux conseils qui siégeait aux Tuileries , et de se rendre maîtres de ce jardin qui leur rappelait plusieurs victoires de la sédition. J'ai dit plus haut que les ja-